Cosmétiques : pourquoi les “substances préoccupantes” sont-elles autorisées ?

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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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L'UFC-Que Choisir dresse une liste de 185 produits contenant des substances potentiellement dangereuses.

Les produits de beauté sont-ils presque tous potentiellement dangereux ? Dentifrices, déodorants, crèmes pour le visage, après-rasages, soins pour les cheveux… 185 produits cosmétiques courants contiennent des substances "préoccupantes", selon le dernier numéro de l'UFC-Que Choisir. Mais pourquoi ces substances ne sont-elles pas encore interdites ? Décryptage.

CE QU'A DÉCOUVERT L'UFC-QUE CHOISIR

Il y a, d'abord, les allergènes. L'UFC-Que Choisir a recensé 62 produits pouvant potentiellement susciter des allergies. L'association met notamment l'accent sur 55 produits contenant de la methylisothiazolinone (MIT), un conservateur réputé très allergisant. Les consommateurs ne peuvent même pas se fier aux mentions "faussement rassurantes", selon l'UFC. La mention "hypoallergénique" figure en effet sur le lait de toilette "Mots d'enfants" de Leclerc, la "Crème pour le change" de Corine de Farme ou encore sur les nettoyants féminins "Physélia Intimate". Or, l'association dit avoir "relevé la présence dans ces produits de "MIT".

Il y a, ensuite, les perturbateurs endocriniens, ces agents chimiques qui peuvent entraîner des déséquilibres hormonaux. L'association de consommateurs a relevé pas moins de 101 produits qui en contiennent. Parmi eux, 44 recèlent un filtre UV (l'éthylhexyl-methoxycinnamate), "totalement inutile dans des eaux de toilettes, des démaquillants ou des produits capillaires", dixit Que choisir. Même les grandes marques sont épinglées : parmi les 26 produits contenant des "parabènes à longue chaîne", soupçonnés d'être des perturbateurs endocriniens, "on trouve 3 produits de la marque Roc, 2 produits de chez L'Oréal, 2 produits Carrefour, 2 de Leclerc, ainsi que 17 autres marques courantes".

Enfin, il y a certains conservateurs, potentiellement dangereux pour les plus fragiles. "Des lingettes pour bébés des marques Bébé Cadum, Mixa, Nivea, Pampers, (...) contiennent un conservateur, le phénoxyéthanol", note par exemple l'association.

POURQUOI CES PRODUITS SONT-ILS ENCORE PRÉSENTS ?

Allergènes : des risques mais pas (encore) de règles claires. Concernant la methylisothiazolinone, Que Choisir a raison de s'inquiéter. Utilisée pour son efficacité à stopper la croissance des microbes, la "MIT", de son petit nom, est aussi dans le collimateur des allergologues depuis plusieurs années. À la suite de différentes publications européennes, la "MIT" a été déclarée "allergène de l’année 2013" aux États-Unis. La même année, la "Cosmetics Europe", l'association qui rassemble les grandes marques de cosmétique européenne, a même recommandé à ses membres de la bannir de leurs produits. Alors pourquoi en trouve-t-on encore ?

En réalité, il existe une querelle entre experts sur le seuil de concentration tolérable de "MIT". En 2014, le comité scientifique de la Commission européenne indique qu'une concentration de 0,01% dans les produits cosmétiques n'est pas sans danger pour le consommateur. Mais ce seuil est considéré comme trop élevé par certains autres experts. Or, faute de règlementation plus sévère, les entreprises peuvent continuer à en utiliser à faible dose. En tout cas pour l'instant : pas plus tard que jeudi dernier, la ministre de l'Environnement Ségolène Royal a officiellement demandé à l'Union européenne de l'interdire dans les produits sans rinçage (lingettes pour bébés, crèmes...).

Perturbateurs endocriniens : un contrôle "exigeant" déjà en place. Pour ce qui est des perturbateurs endocriniens, là encore, tout est une question de dosage. Utilisé dans les crèmes solaires mais aussi dans de nombreuses crèmes anti-âge, l'éthylhexyl-methoxycinnamate, par exemple, est particulièrement pointé du doigt par l'UFC-Que-Choisir. Régulièrement mis en cause par des études menées sur des animaux, sa dangerosité pour l'homme à faible dose n'a toutefois jamais été démontrée. Selon une étude de 2011 de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), cette molécule n'est dangereuse que si sa concentration atteint les 10% de la composition d'un produit. Or, un tel taux de concentration est interdit dans toute l'Europe.

"Il n'y a aucune inquiétude à avoir concernant l'usage des produits cosmétiques présents sur le marché français. Ils font l'objet d'une évaluation scientifique indépendante par des experts européens. La réglementation européenne en matière de sécurité des produits cosmétiques est la plus exigeante au monde !", assure ainsi Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires de la fédération des entreprises de la beauté (Febea), dans un communiqué. "Notre système d'évaluation de la sécurité est très robuste, et tous nos produits et nos ingrédients ont été rigoureusement évalués avant leur mise sur le marché, toujours en pleine conformité avec la réglementation applicable", poursuit de son côté L'Oréal.

Il est, toutefois, recommandé de ne pas abuser des produits qui contiennent ce type de perturbateurs, voire de les éviter complètement pour les enfants.

Phénoxyéthanol : de réelles inquiétudes pour les bébés. Le phénoxyéthanol, conservateur présent dans certaines lingettes pour bébés, est pour sa part un anti-microbe efficace, ce qui explique son succès. Mais il est aussi accusé par certaines études d'être toxique, et particulièrement dangereux pour le sang et le foie des enfants.  

Là encore, il y a une querelle sur le dosage à autoriser. Les autorités européennes, compétentes en la matière, interdisent une concentration supérieure à 1% dans les produits. Mais cette autorisation concerne autant les enfants que les adultes. Or, pour les enfants, certains experts estiment qu'il faudrait abaisser davantage, voire interdire complètement le phénoxyéthanol.

L'ANSM elle-même a recommandé en 2012 de ne plus du tout l'utiliser dans les produits destinés à nettoyer les fesses du bébé et de réduire la teneur maximale à 0,4% pour les enfants de moins de 3 ans. Mais ce n'est qu'une recommandation. Et elle n'a visiblement pas été suivie par les marques.