Pas moins de 27.573 patients étaient hospitalisés dimanche pour cause de Covid-19. Et la plupart d’entre eux ne reçoivent, durant leur séjour, aucune visite de leurs proches. Face à la très grande contagiosité de la maladie, les équipes soignantes refusent en effet, dans la très grande majorité des cas, de laisser entrer les familles. Cet isolement peut parfois amener une grande frustration, voire à des situations dramatiques, comme le dénonçait avec force la comédienne Stéphanie Bataille mercredi sur Europe 1. Le personnel hospitalier, lui aussi très touché par ces situations, tente de s’adapter au mieux.
"Je me suis vue prendre une blouse blanche, me pointer à l'hôpital et essayer de trouver la chambre"
Le moment crucial, c’est quand une famille veut rendre visite à son proche malade et qu’on lui répond non. C’est un moment qui affecte tout le monde, famille et médecins. Valérie, dont la mère de 73 ans est hospitalisée à Montfermeil, a vécu cette situation. Elle a voulu lui rendre visite, mais on lui a rétorqué que l’état de sa mère n'était pas assez grave. "Quand j’ai eu l’annonce du Covid, je me suis projetée dans quelque chose de catastrophique en me disant qu'elle risquait de décéder et que je risquais de ne pas la voir. Ça voulait dire ne lui apporter ni une aide morale ni une aide matérielle", raconte-t-elle.
Valérie a même imaginé les stratagèmes les plus extrêmes pour visiter sa mère. "En une fraction de seconde, je me suis vue prendre une blouse blanche, me pointer à l'hôpital et essayer de trouver la chambre, comme si j'étais du personnel hospitalier, ce qui est complètement irréaliste et pas raisonnable", admet-telle. "Mais c'est inconcevable pour moi de me dire que dans cette épreuve, on doit laisser quelqu'un tout seul. Je ne veux absolument pas la voir dans un lit de mort. Donc, je ferai tout pour la voir avant. Bien avant."
"On n'est pas des murs froids à appliquer strictement une règle"
Cette détresse, les médecins n’y sont pas insensibles. Et ils ne vivent pas toujours bien le fait de devoir barrer la porte d’une chambre à des personnes qui veulent visiter leur proche souffrant. "Ça fait partie des choses les plus dures à vivre : quand on annonce à une famille que leur parent se dégrade, mais que pour l'instant ils ne peuvent pas le voir parce que la situation ne paraît pas assez grave", admet ainsi Mathieu Oberlin, médecin au Nouvel hôpital civil de Strasbourg. "Ce sont des situations de grande détresse. On a aussi des sentiments, des émotions. On n'est pas des murs froids à appliquer strictement une règle. Globalement, l'immense majorité des gens comprend, même si c'est très dur. Ils voient bien que c'est aussi difficile pour nous."
Ce docteur, comme beaucoup de ses collègues, aimerait en faire plus. Mais il se doit de mettre en balance les bénéfices d'une visite face aux risques que cela comporte. "Quand des gens disent ‘j’en ai assez’, on se demande, si on avait pu avoir des visites, s’ils auraient baissé les bras de la même manière. On ne sait pas", soupire le docteur Oberlin. "On sait que le facteur psychologique joue beaucoup dans la guérison des maladies. L'entourage, l'accompagnement, c'est quelque chose qui est important dans le processus de guérison. Donc, inévitablement, on se dit que limiter les visites peut avoir un effet délétère. Mais le risque d'infection, de propagation de l'infection aux patients ou aux soignants est malheureusement plus important que le risque qu'il y a à ce que les malades soient isolés."
Négociation à Toulouse et Grenoble, intransigeance à Marseille
Isoler les patients donc, semble indispensable. Certaines familles, pourtant, font bel et bien un dernier adieu à leur proche mourant. Mais en la matière, la règle, c’est… qu’il n’y a pas de règle. Chaque établissement est souverain. La majorité des hôpitaux appliquent le même régime : pas de visite s'il n'y a pas risque de mort imminente. Si l'état du patient se dégrade, ils laissent entrer un visiteur par jour et par patient. Ce peut être le conjoint, puis, le lendemain, un enfant. C'est ce qui se fait à Paris. A Toulouse et à Grenoble, ça va un peu plus loin. Une négociation se fait entre familles et soignants et le nombre de visiteurs peut être adapté.
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Au niveau des règles à observer, il n’y a pas de généralisation non plus. Ça va du simple respect des gestes barrières - port du masque, gel hydroalcoolique - jusqu'à des mesures plus protectrices, comme le port d'une blouse, voire d'une sur-blouse. C'est du cas par cas.
Enfin, il y a une ville où c'est très strict. A Marseille, il y a une interdiction totale de voir un patient mourant du Covid s'il est encore positif et contagieux. Les adieux se font par l'intermédiaire d'une tablette, via un appel vidéo. Une rencontre reste toutefois possible si le malade est redevenu négatif au coronavirus.