Quatre familles de victimes de la toxicité d'une molécule de chimiothérapie déposent plainte lundi contre X, reprochant aux autorités sanitaires de ne pas avoir recommandé plus tôt un test qui aurait permis de déceler leur sensibilité à ce traitement, selon leur avocat.
"Une cure qui a envoyé au cimetière". Les plaintes "contre X pour homicide involontaire, blessures involontaires pour mise en danger de la vie d'autrui, qui émanent des proches de trois personnes décédées et d'un homme qui a souffert gravement de cette toxicité, sont déposées au pôle santé du tribunal de grande instance (TGI) de Paris", a précisé Me Vincent Julé-Parade. Pour trois d'entre eux, "la cure qui devait les soigner les a envoyés au cimetière", accuse-t-il.
"Des centaines de cas", selon l'avocat. Les médicaments en cause, sont à base de 5-fluorouracile dit 5-FU ou son précurseur la capécitabine. Le 5-FU utilisé depuis plus de cinquante ans est un anticancéreux essentiel parmi les plus utilisé en chimiothérapie, seul ou associé à d'autres anticancéreux. "C'est une affaire de santé publique, une affaire de masse", dit l'avocat qui concerne, estime-t-il, "des dizaines voire des centaines de cas" d'accidents toxiques.
"Les connaissances scientifiques permettaient de longue date de mettre en place un dépistage qui aurait permis d'éviter ces drames", plaide-t-il. Il entend avec ces plaintes visant la responsabilité des autorités publiques et sanitaires "jeter un pavé dans la mare" et "éviter de nouvelles victimes".
90.000 personnes soignées par an. Chaque année en France, environ 90.000 personnes atteintes d'un cancer - principalement digestif, du sein ou ORL - sont nouvellement traitées par ce médicament, d'après l'Institut national du cancer (INCa) cité par le ministère de la Santé. Mais chez certains patients, qui présentent un déficit total ou partiel d'une enzyme particulière, les effets toxiques du 5-FU sont décuplés. Il faut alors adapter la dose ou utiliser d'autres molécules.
Des tests non pratiqués par certains hôpitaux. Le 5-FU et son précurseur sont "contre-indiqués chez les patients qui ont un déficit total connu" car ils sont "considérés comme extrêmement à risque", soulignait le ministère dans une réponse écrite au Parlement le 9 décembre. Des tests existent pour dépister les patients à risque, mais jusqu'à récemment certains hôpitaux ne les pratiquaient pas. "Quelque part on joue à la roulette russe, selon le lieu où l'on est traité", lance Me Vincent Julé-Parade qui dénonce cette "inégalité territoriale".
Le 28 février 2018, l'Agence du médicament (ANSM) a recommandé le dépistage. Et le 18 décembre, l'INCa et la Haute autorité de santé (HAS) ont recommandé la réalisation systématique d'une des deux méthodes de dépistage, "pour prévenir certaines toxicités sévères" des chimiothérapies par 5-FU. "Les fluoropyrimidines (5-FU et capécitabine) peuvent entraîner des toxicités sévères chez 1 patient sur 5, voire des décès (entre 1 patient sur 100 et 1 patient sur 1000). Une partie de ces toxicités est liée à un déficit d'activité" de l'enzyme DPD, soulignait l'INCa, précisant que ce "déficit peut être partiel (3 à 5 % des patients) ou total (entre 0,01 % et 0,5 % des patients)".