À la suite de plusieurs décès de patientes traitées avec l'anticancéreux Docétaxel, l'Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a confié une enquête au Service de Pharmacologie Clinique de Toulouse. Le rapport qui en est ressorti, publié par Le Figaro mardi, observe une augmentation des effets secondaires du produit à partir de 2010. Il semble mettre en cause non pas le médicament, mais plutôt les pratiques médicales.
Une suspension temporaire.Vingt-sept patients seraient morts après avoir développé les effets indésirables du Docétaxel entre 1996 et 2016, d'après les derniers résultats d'une enquête de pharmacovigilance lancée en septembre par l'ANSM. Depuis deux ans, les centres de lutte contre le cancer donnaient ce médicament dans le cadre de traitement des cancers du sein, du poumon, de la prostate, du cancer gastrique et des voies aéro-digestives supérieures.
Mais dès le premier décès, en août 2016, les oncologues de l'hôpital Gustave-Roussy (Val-de-Marne) ont cessé de l'administrer au profit du Paclitaxel, dont le risque de colites (une inflammation du colon) et de chocs sceptiques semble moins important (13,7 pour 100.000 contre 45,4 pour 100.000, d'après le rapport). En janvier 2017, l'Institut du cancer et l'ANSM ont recommandé aux cancérologues d'éviter temporairement, par précaution, d'utiliser le Docétaxel.
Des effets secondaires en hausse.Une enquête a ensuite été confiée au centre de Toulouse pour faire la lumière sur ces effets indésirables de ce médicament. Un rapport rendu en mars dernier que Le Figaro a pu se procurer. On y découvre que les effets secondaires du Docétaxel ont augmenté. "Le nombre de cas de colites ou de chocs septiques [causes majoritaires de la mort des patients traités par ce médicament, ndlr] rapporté au nombre estimé de patients exposés a augmenté en 2010 puis en 2015 avec Taxotere [le princeps du médicament, ndlr] et en 2016 avec Docétaxel Accord", peut-on lire. Une augmentation du nombre de cas fatals de colites et de chocs sceptiques est également observée, bien que l'étude précise que "ces cas restent rares (moins de 1 cas pour 162 patients exposés par an)".
En cause, les pratiques des médecins ? Quant aux causes de cette augmentation des risques, le rapport évoque la méthode d'administration du médicament, dont le protocole a changé en 2010, plus que le principe actif en lui-même. "Il est possible que ces modifications aient réduit la perte de produit et que les patients reçoivent maintenant une quantité plus importante de Docétaxel qu'avant 2010", note le rapport.
Un rapport qui n'est pas probant. Malgré ces conclusions, les experts européens de l'Agence européenne du médicament (EMA) qui se sont réunis à Londres le 3 avril n'incriminent ni le médicament, ni la méthode d'administration. Ils affirment que cette enquête ne permet pas de conclure à la toxicité du Docétaxel et critiquent la substitution du Paclitaxel, jugé moins efficace, à ce médicament. Une prochaine discussion autour de l'évaluation de l'équilibre entre les bénéfices et les risques aura lieu en juin.