Le 25 octobre 2019, l'Assemblée nationale donnait son feu vert à une expérimentation grandeur nature du "cannabis à usage thérapeutique", déjà avalisée par l'Agence nationale du médicament (ANSM). Le professeur Nicolas Authier, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Clermont-Ferrand, président du Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) sur le cannabis thérapeutique, a présenté sur Europe 1 les contours de ce test très encadré, qui n'a rien d'une légalisation du cannabis.
Un objectif médical
"Nous restons focalisés sur le soulagement de la souffrance des patients, dans un objectif médical. Ce seront des médicaments, avec un statut de médicament, et même de stupéfiant : ce sera prescrit avec les mêmes règles utilisées pour la morphine, par exemple", insiste le professeur, qui rappelle par ailleurs que l'on parle de "cannabis médical" par raccourci. "C’est un terme générique, qui englobe toute une famille de médicaments réalisés à partir d'extraits de cannabis, qui est un mélange complexe de substances (le THC ou tétrahydrocannabinol, le CBD ou cannabidiol...)".
En fonction de la quantité de ces substances, des médicaments très différents peuvent être créés, pour des indications diverses. "On est bien dans une expérimentation", souligne donc Nicolas Authier. "On n'a pas légalisé l'héroïne parce qu'on a légalisé la morphine."
Quel type de patient sera sélectionné pour le test ?
3.000 patients devraient être choisis pour commencer l'expérimentation dès septembre, parmi ceux qui ne sont pas soulagés par des médicaments qui existent déjà sur le marché. "Des patients qui souffrent de douleurs neuropathiques, de contractions musculaires anormales comme dans la sclérose en plaques", liste ainsi le médecin, mais aussi "des patients qui ont des formes d'épilepsie qui résistent aux médicaments, et enfin des patients qui ont des douleurs liées au cancer ou au traitement du cancer".
Quelle utilisation du cannabis ?
Les patients seront soignés selon des modalités diverses. "Par des gouttes qu'on peut mettre sous la langue par exemple, ou des formes que l'on pourra avaler pour un effet plus retardé", détaille le chef du service de pharmacologie médicale. "Et puis peut-être la possibilité de vaporiser le cannabis en utilisant des dispositifs qui permettent d'inhaler, mais sans combustion - donc on est très loin du "joint thérapeutique" -, et d'avoir un effet plus rapide des différents cannabinoïdes contenus dans la plante."
Une formation obligatoire pour prescrire les médicaments
La première prescription des produits sera réalisée dans un centre spécialisé, puis le relais sera fait par des médecins généralistes. "On prend un peu notre temps en France et on nous le reproche parfois, mais notre objectif est d'abord de former les professionnels de santé pour obtenir une certaine adhésion à ce dispositif", concède Nicolas Authier. La formation durera deux ou trois heures et sera obligatoire pour prescrire ces médicaments à base de cannabinoïdes.
Le professeur confie beaucoup compter sur cette formation pour convaincre "des oppositions parfois un peu dogmatiques" que l'usage de ces médicaments, dans certaines situations, est une bonne, voire la seule solution. Lui a déjà pu constater des effets chez certains patients "chez qui cela a significativement amélioré leur qualité de vie, ce qu'on n'avait pas pu obtenir avec des médicaments actuellement disponibles. C'est un traitement adjuvant qui a permis de retrouver une certaine mobilité, un certain élan vital, et de réduire parfois la posologie de certains médicaments qu'ils toléraient mal."