"C’est de très loin le plus grave brûlé sauvé en utilisant la peau de son frère jumeau", explique le professeur Maurice Mimoun, l’auteur de l’opération, dans une interview au Figaro. Franck, 33 ans, brûlé sur la quasi-totalité du corps (95%) et que l’on disait condamné à mourir, a en effet été sauvé grâce à la greffe de peau provenant de son frère jumeau, à l'hôpital Saint-Louis, à Paris. Une opération qui constitue une première mondiale : jusqu’alors, les opérations (réussies) de ce type portaient sur des corps brûlés en moyenne à 45%, et jusqu’à 68% maximum. Et si elle a été réalisée dans des conditions exceptionnelles, cette opération n’en reste pas moins porteuse d’espoir pour l’avenir.
Un exploit, et un peu de chance
Il a fallu pas moins de dix interventions avant que l’opération ne réussisse et que la greffe prenne sur les 95% de peau brûlée. La première greffe de peau, prélevée sur le jumeau sain, est réalisée le 7e jour après l'admission de Franck à l'hôpital. Les deux frères sont opérés au même moment par deux équipes de chirurgiens et d'anesthésistes réanimateurs, afin de réaliser le transfert immédiat de la peau. Le procédé est répété au 11e et 44e jour pour assurer la couverture entière du patient brûlé.
Si l’opération a fini par réussir, c’est au terme d’un exploit technique considérable du professeur Mimoun et de l'équipe du Pr Alexandre Mebazaa en anesthésie réanimation. En outre, elle n’a pu se faire que grâce à une condition : le donneur était le frère jumeau du patient, et un jumeau homozygote, c’est-à-dire issu de la même cellule œuf et au capital génétique identique. Sans cela, la peau greffée aurait été très probablement rejetée.
Une opération porteuse d’espoir
Cette opération "ouvre la voie à de nouvelles thérapeutiques", explique l’AP-HP dans un communiqué publié après l’opération. En effet, cette opération constitue une expérience grandeur nature pour les scientifiques qui étudient la régénération de la peau. Elle démontre qu’avec une peau au capital génétique identique à celui du patient, il n’y a pas de limite aux opérations. Même brûlé à 95%, le patient peut être sauvé.
" Ces constatations auront des répercussions futures sur le traitement de tous les grands brûlés "
"Le procédé reste exceptionnel mais il nous a permis de faire des observations extraordinaires. Nous nous sommes notamment aperçus que cette couverture de peau rapide et stable avait transformé le cercle vicieux habituel des grands brûlés, aggravation locale (approfondissement de la brûlure) aggravant l’état général en un cercle vertueux exactement inverse", détaille Maurice Mimoun dans Le Figaro. "Les zones brûlées intermédiaires profondes, qui se détériorent du fait du choc, emportant le patient vers la mort, se sont miraculeusement améliorées et ont cicatrisé. Ces constatations auront des répercussions futures sur le traitement de tous les grands brûlés", assure-t-il.
Vers des greffes à partir de cellules souches ?
Doit-on en conclure que seuls les patients ayant un jumeau homozygote peuvent être sauvés ? Pour l’heure, oui. Mais cette opération fait écho à plusieurs recherches actuellement en cours et qui pourrait changer la donne. Des chercheurs, en Autriche et en Allemagne notamment, tentent en effet de produire des cellules de peau destinées à être greffées à partir de cellules souches extraites directement de la peau des patients. Comme le rappelle Le Monde, ces chercheurs sont même déjà parvenus "à reconstruire la peau d’un jeune garçon détruite par une grave maladie héréditaire, l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle […] Les chercheurs lui ont prélevé un morceau de peau saine et ont corrigé la mutation génétique puis ont déposé les greffons sur le corps du petit patient, lors de trois interventions".
Et l’opération du professeur Mimoun démontre que ce type d’opération à partir des cellules souches du patient lui-même pourrait, un jour, être étendu aux grands brûlés. "Nous avons clairement démontré que si nous disposions d’une peau universelle (extraite de cellules souches), nous pourrions sauver les très grands brûlés par des techniques précises chirurgicales et de réanimation", s’enthousiasme le chirurgien. Et de conclure : "Or, nous touchons du doigt cette possibilité. Ce n’est qu’un encouragement de plus pour chercher dans cette voie".