"L'hôpital a fait face à la canicule, à l'épidémie du VIH... là, il ne peut plus". Invité de Nikos Aliagas, mardi, André Grimaldi, professeur émérite au CHU de la Pitié-Salpêtrière, revient sur la situation des urgences en France, alors que les personnels sont appelés à manifester ce mardi, après bientôt trois mois de grève.
"On est au carrefour de deux crises", explique le médecin au micro d'Europe 1. "Celle de la médecine de ville - qui n'a pas créé un service de proximité - et la crise hospitalière, qui est globale. Depuis plus de 10 ans, on la traite comme une entreprise, avec un objectif de rentabilité. Il faut faire toujours plus, avec des moyens contraints", détaille-t-il. "Les urgences sont au carrefour de ces crises : un peu moins de la moitié des patients qui vont aux urgences pourraient être soignés théoriquement en ville. Si on avait construit un service de médecine de proximité - ce que veut faire la loi santé - ce ne serait pas le cas".
Le nombre de lits, une donnée centrale de la crise
Une situation qui devient d'autant plus compliquée que des lits sont supprimés dans les hôpitaux. "Comme il y a eu un moment donné le numerus clausus, maintenant on dit qu'il y a trop de lits. On nous dit de regarder la Suède, qui a moitié moins de lits que nous... mais on ne regarde pas l'Allemagne, qui en a 50% en plus, ou le Japon qui en a le double !", s'insurge le spécialiste. "Par manque de lits, on se retrouve donc aux urgences parfois plus de 24 heures, c'est inadmissible. Et c'est d'autant plus grave que plusieurs études montrent qu'il y a une corrélation entre le temps passé sur un brancard aux urgences et la mortalité intra-hospitalière", explique André Grimaldi.
"Quand je discute avec le chef des urgences de la Pitié-Salpêtrière, ou le doyen de l'hôpital, qui est un ancien chef des urgences, ils me disent que l'on n'a plus de marge de manœuvre. Concrètement, si on a une épidémie aiguë, on ne peut plus faire face".
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Pour inverser la tendance, le médecin préconise de "soigner l'hôpital en soignant la ville", c'est-à-dire renforcer la "première ligne de soins que constituent les médecins généralistes, les infirmières, et les pharmaciens". Une mesure prévue par la loi Ma Santé 2022 qu'Agnès Buzyn présente ce mardi au Sénat, qu'André Grimaldi juge "bonne", mais qui à le défaut de prendre "entre cinq et dix ans". "Il y a des mesures d'urgence à prendre : augmenter le nombre de lits, le nombre d’infirmières, d'aide-soignants et apprendre à déléguer".