Remettre en cause la spécificité du système de santé français. Dans l'émission Europe Matin mardi, le professeur Michaël Peyromaure, chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin à Paris, a évoqué la crise de l'hôpital qui perdure depuis quelques années en France, et qui s'est renforcée avec la crise sanitaire. L'auteur du livre Hôpital, ce qu'on ne vous a jamais dit (éditions Albin Michel) a mis en avant une "contribution de tous les patients" pour "sauver le système" hospitalier. Pour lui, il faut augmenter la participation économique des patients dans le système de soins.
"Les efforts se sont focalisés uniquement sur les soignants"
Pour défendre son positionnement, Michaël Peyromaure a d'abord expliqué que l'argent octroyé par l'État (11% du PIB français, au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE) allait principalement dans la bureaucratie. "Dans notre pays, on a voulu absolument épargner aux patients d'avoir à contribuer. Nous sommes le pays où les soins sont les moins chers, avec un reste à charge le plus faible de l'OCDE (...). Pour préserver cette gratuité ou quasi-gratuité, il faut prendre ailleurs", a affirmé le professeur au micro de Sonia Mabrouk.
"Comme la bureaucratie s'est développée, et que la technostructure nous coûte beaucoup (d'argent), les efforts se sont focalisés uniquement sur les soignants", a regretté Michaël Peyromaure, qui y voit plusieurs conséquences : "C'est pour ça que les salaires sont faibles, que les hôpitaux sont mal entretenus, que la consultation du généraliste ne vaut que 25 euros, etc".
"20 millions de personnes qui ne payent rien"
Médecine gratuite et médecine de pointe sont incompatibles selon le professeur. "Il y a trop de gens en France qui ne payent rien. On estime qu'il y a environ 20 millions de personnes qui ne payent strictement rien pour être soignées", a-t-il lancé sur Europe 1, avant de poursuivre : "Il y a des abus considérables sur les arrêts de travail, sur les bons de transport, sur les mauvaises utilisations de certains soins, sur la surprescription...".
Pour lui, cette "générosité installée depuis des décennies finit par coûter très cher à la collectivité et empêche d'investir là où il faudrait", soulignant que "30% des actes en France sont considérés comme redondants ou inutiles en médecine".
Pas de déremboursement des soins fondamentaux
Toutefois, si le professeur souhaite qu'il y ait une plus grande contribution économique des patients, il ne souhaite pas un déremboursement total. "Je suis pour que l'on continue à rembourser à 100% des soins fondamentaux, comme le cancer, le diabète, certaines urgences... Mais c'est surtout pour le reste qu'il y a des marges de manœuvre", a-t-il assuré. "En bon de transport, c'est-à-dire en taxi ou en ambulance, on paye cinq milliards (d'euros) par an pour beaucoup de gens qui n'en n'ont pas besoin", a-t-il remis en cause.
Et le chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin d'appuyer qu'il y a "des marges de manœuvre considérables pour retrouver des budgets, rénover les hôpitaux et mieux payer nos infirmières". Au final, la France ne peut pas rester le pays le plus généreux pour les patients selon Michaël Peyromaure, car "cela finit par être contre-productif, c'est-à-dire que tout le monde le paye à la sortie. Ce système est injuste. Sous couvert de générosité, on a fini par dégrader le système", a-t-il asséné.