La faim plus dangereuse que le coronavirus : c'est le cri de détresse entendu aux quatre coins de la planète ces derniers jours lors de manifestations, émeutes et pillages de populations en manque de nourriture comme en Inde, en Afrique et en Amérique Latine. L'alerte a également été lancée par le directeur du programme alimentaire mondial (PAM), qui dépend des Nations-Unies.
Deux fois plus de personnes risquent de mourir de famine cette année à cause de la crise sanitaire et économique provoquée par le coronavirus. Au total, ce sont 250 millions d'individus qui sont menacés, soit le double de personnes actuellement "en état de faim critique", indique Bruno Parmentier, ingénieur et économiste, au micro de "C'est arrivé cette semaine" sur Europe 1.
Spécialisé dans les questions agricoles et alimentaires, il rappelle qu'environ "800 millions de personnes sur terre ont faim, un chiffre stable depuis près d'un siècle et, que 1.000 personnes en meurent chaque jour. Et selon lui, "il risque d'y avoir plus de victimes de la faim sur terre que du coronavirus".
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"Il faut absolument que les pays continuent d'exporter des céréales"
La crise du coronavirus pourrait en effet aggraver ce bilan déjà lourd, en particulier si les pays producteurs de céréales cessent de les exporter. C'est là l'un des risques majeurs selon Bruno Parmentier. Une décision qui pourrait intervenir "s'ils perdent leur sang-froid ou s'ils ont envie de spéculer, car si le commerce se bloque, les prix vont monter. Mais pour le moment j'ai l'impression que c'est plutôt le sang-froid" qui est en jeu, estime-t-il, expliquant que c'est cette crainte qui a poussé toutes les organisations des Nations Unies à tirer la sonnette d'alarme. "La nourriture d'une bonne partie de l'humanité pauvre dépend du sang-froid et de la volonté de vendre d'à peine une vingtaine de pays", précise-t-il.
Parmi les principaux producteurs de blé, on trouve notamment l'Union européenne dont la France, la Russie, l'Ukraine, les États-Unis et le Canada. Pour le maïs : les États-Unis, le Brésil et l'Argentine. Enfin, le Pakistan, le Vietnam, la Thaïlande sont les principaux producteurs de riz. "Il faut absolument que ces pays continuent d'exporter", alerte Bruno Parmentier.
Et pour cause, dans le monde, seuls une vingtaine de pays sont capables d'exporter plus de céréales qu'ils n'en produisent. La grande majorité des États produisent en effet moins que ce qu'ils mangent, comme ceux qui n'ont pas assez de terre et trop de population, à l'image du Bangladesh qui importe beaucoup de riz. De même, "l'Egypte est un grand pays, mais c'est un désert traversé par une rivière. Il y a 100 millions d'habitants qu'on ne peut pas nourrir avec seulement 4% des terres cultivables", déplore Bruno Parmentier. "Chaque année, l'Egypte est le premier ou le deuxième importateur mondial de blé. Si nous nous bloquons notre blé, nous qui pouvons en produire plus, les Égyptiens auront faim", analyse-t-il. Les céréales constituent l'essentiel de la nourriture en particulier pour les gens pauvres qui ne mangent que du riz, du manioc et du pain.
L'acheminement des denrées perturbé par le confinement
Mais l'ingénieur spécialiste de l'agroalimentaire se veut rassurant sur un point. "La situation des stocks de céréales est plutôt bonne. Les quatre dernières années, on a fait de bonnes récoltes, plus que ce qu'on a consommé. La situation est donc nettement meilleure qu'en 2007 ou 2010, quand les mêmes problèmes ont provoqué les Révolutions arabes parce que le prix du blé avait doublé", raconte-t-il. Et selon lui, les prévisions de récoltes de 2020 s'annoncent "plutôt bonnes". "Normalement, si personne ne perd son sang-froid, il y a de quoi nourrir l'humanité", ajoute-t-il encore.
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Mais une autre difficulté existe et est exacerbée par le coronavirus : l'acheminement des denrées jusque dans les villages reculés. "Il peut se passer énormément de choses jusqu'à ce que le bateau arrive et décharge.... D'autant plus que là, il y a cette nouveauté absolue qui est que l'on est confinés", explique Bruno Parmentier. Un confinement qui ne peut être scrupuleusement respecté chez les populations les plus pauvres et qui sont contraintes de sortir de chez elles pour aller travailler, gagner de l'argent et se procurer de quoi se nourrir.