Comment réagir quand la parentalité vire au cauchemar, à l’épuisement ? La Belgique vient de lancer une vaste campagne au titre univoque, "parents à bout", dont l’objectif est d’enrayer ce que les autorités locales n’hésitent pas à nommer "le burn out parental". Dans les crèches, les écoles ou les maisons médicales, l’association Ligue des familles et le ministère de la Santé belge vont ainsi distribuer des affiches et des tracts afin de sensibiliser les familles au phénomène. Des témoignages de parents et des conseils seront diffusés sur les réseaux sociaux ou via le site "parentabout.be". Vu de France, cet activisme peut étonner : aucune autorité ne s’est encore penchée sur le "burn out parental". Pourtant, de nombreuses familles semblent déjà affectées. Alors, de quoi parle-t-on vraiment ? Le "burn out parental" existe-t-il vraiment ? Comment le prendre en charge ? Où en est la France sur ce sujet ? Europe 1 s’est penché sur cette notion qui commence à sortir de l’ombre.
Le "burn out parental" existe-t-il ?
Le "burn out parental", tout comme le professionnel, n’est pas une maladie, il n’est en tout cas pas (encore) reconnu comme tel. Aucune liste de référence internationale ne le comprend dans ses classements. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Le terme en lui-même apparaît dans les années 80. Se basant sur plusieurs témoignages de parents (surtout des mères), le professeur d’université Joseph Procaccini et le consultant en leadership Mark Kiefaver publient alors "Parental burnout", évoquant des cas d’épuisement rencontrés par des parents similaires à ceux rencontrés dans le milieu professionnel.
Mais la recherche internationale sur cette notion reste encore au stade embryonnaire. Dans les années 2000, quelques travaux (suédois, entre-autres) s’intéressent aux situations d’épuisement rencontrés par les parents d’enfants malades. Mais il faut attendre les travaux tous récents de trois chercheurs belges en psychologie, Isabelle Roskam, Marie-Emilie Raes et Moïra Mikolajczak pour que la recherche avance et que l’intérêt porté à cette notion soit relancé. Selon eux, il existe bien une forme d’épuisement chronique, profond, autant physique et nerveux que psychologique, uniquement lié au fait de s’occuper de ses enfants, qu’ils soient malades ou non. Selon les travaux de ces chercheurs, cela pourrait même concerner 12% des familles belges.
Comment savoir si l’on est en "burn out parental" ?
Selon ces chercheurs belges, sur lesquels s’appuie le ministère de la Santé local pour sa campagne, il existe trois signes du "burn out parental" : l’épuisement, la "distanciation affective avec les enfants", et la "perte d’efficacité et d’épanouissement dans son rôle de parents". Lorsque ces signes durent plusieurs mois d’affilés, ils doivent alerter.
L’épuisement, pour sa part, "peut se manifester au niveau émotionnel (sentiment de ne plus en pouvoir), cognitif (impression de ne plus arriver à réfléchir correctement) et/ou physique (fatigue)", nous indique le site de la campagne "Parent à bout". La distanciation, elle, se caractérise par le fait que "le parent n’a plus l’énergie de s’investir autant qu’avant dans sa relation avec ses enfants : il prête moins d’attention à ce qu’ils lui racontent, il accorde moins d’importance à ce qu’ils vivent et ressentent, il fait le minimum pour leur bien-être (trajets, repas, coucher...) mais n’a plus le courage d’en faire plus".
Quant à la perte d’efficacité et d’épanouissement, elle se traduit par l’impression de ne pas avoir rempli ses objectifs parentaux. Le parent à l’impression d’être un mauvais père ou une mauvaise mère, de ne plus se reconnaître et, encore moins, de s’épanouir. Plus les ambitions des parents sont élevées, plus le risque semble d’ailleurs grand.
" Ce qui rend les personnes vulnérables, c’est de vouloir être un parent parfait et d’être perfectionniste en général "
"Il est apparu qu’au niveau personnel, ce qui rendait les personnes vulnérables, c’est de vouloir être un parent parfait et d’être perfectionniste en général", détaillait ainsi en janvier la psychologue belge Moïra Mikolajczak, dans une interview à Slate. Et de poursuivre : les parents "veulent manger bio, suivre les devoirs de leurs enfants, que ces derniers aient des activités extra scolaires multiples, une langue vivante de plus après l’école. En pratique cela les fait courir à deux ou trois endroits différents par enfants en plus de l’école… Si vous voulez faire tout ça sans manger de plats tous préparés, votre vie devient très, très compliquée à organiser".
Pour diagnostiquer un éventuel "burn out", les chercheurs belges ont mis au point un questionnaire, que vous pouvez retrouver et remplir via l’application (disponible en français) "Dr Mood Burnout parental", téléchargeable sur iPhone ou Android.
Comment lutter contre le burn out parental ?
Face au phénomène, les spécialistes recommandent le même conseil : ne pas culpabiliser et en parler à des professionnels, qu’il soit pédopsychiatre, psychiatre, psychologue de l’enfance ou psychologue familial. Il s’agit d’apprendre à revoir ses ambitions à la baisse, à lâcher prise, à trouver une nouvelle manière d’aborder l’éducation de son enfant. "Il y a plusieurs règles à respecter", indique à LCI la psychologue clinicienne française Aline Nativel Id Hammou, qui s’est spécialisée sur la question après avoir rencontré plusieurs familles dans cette situation. Et d’énumérer : "respecter le rôle et les fonctions de chacun dans la famille, faire des activités ludiques séparées de l’aspect éducatif, mettre en place un emploi du temps équilibré, varié et adapté à tous, écouter les besoins, les choix et les désirs de chaque membre de la famille" ou encore "régler les non-dits, les silences pesants, les conflits et les secrets de famille et mettre en place des règles familiales claires, connues et acceptées par tous".
Où en est la France face au burn out parental ?
Selon une note de l’Académie de médecine de 2016, les organismes sanitaires français peinent à se saisir de la question du burn out, qu’il soit parental ou professionnel. "En France, le Ministère de la Santé paraît avoir délaissé cette question de santé publique. L’Inserm ne s’en est pas non plus saisi", écrit l’Académie. Seuls le ministère de Travail mène des actions de prévention sur le burn out au travail, encore que très partiellement. Le combat est mené individuellement par les psys et thérapeutes familiaux, et quelques livres commencent à émerger depuis 2010, tirés de leur expérience. On peut citer Le Burn out parental, de la psychanalyste Liliane Holstein ou encore Mères, Libérez-vous, de la psychanalyste/psychologue Sarah Chiche. Quelques associations, à l’instar des Pâtes au beurre, proposent également de mettre en relation des familles avec des professionnels.