Le sein ou le biberon, un choix infiniment personnel. Mais n'oublions pas les aspects très importants de santé publique. Selon une série d'études publiée vendredi dans la revue médicale The Lancet, un allaitement prolongé pourrait éviter la mort de 823.000 enfants de moins de cinq ans dans le monde. Plus étonnant, l'allaitement pourrait également réduire de 20.000 le nombre de décès dus à des cancers du sein.
"Un meilleur état nutritionnel". L'organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un allaitement maternel "exclusif" jusqu'à l'âge de six mois et un allaitement partiel jusqu'à deux ans. Selon elle, moins de 40% des bébés dans le monde en bénéficient aujourd'hui. "Les bébés allaités sont dans un meilleur état nutritionnel, c'est un fait", insiste Catherine Salinier, ancienne présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire. "Les bébés allaités seront moins gros et auront moins de cholestérol que ceux nourris au biberon".
Des vertus aussi dans les pays riches. Et, contrairement à une "idée faussement et largement répandue", les bénéfices de l'allaitement ne concernent pas seulement les pays pauvres. "Dans les pays riches, l'allaitement réduit de plus d'un tiers la mort subite du nourrisson", expliquent les chercheurs dans la revue médicale The Lancet. "Dans les pays pauvres ou aux revenus moyens, environ la moitié des épidémies de diarrhée et un tiers des infections respiratoires pourraient être évitées grâce à l'allaitement". "Les bébés qui ont été nourris au sein auront moins de bronchiolites, moins de gastro-entérites et moins d'otites", abonde le docteur Catherine Salinier.
"Dans les services de néo-natalité, ce n'est pas un hasard si les grands prématurés sont nourris essentiellement avec du lait maternel (provenant du lactarium)", raconte Catherine Salinier. Si vous ouvrez le carnet de santé de votre enfant, c'est d'ailleurs écrit en gras : "votre lait est l'aliment le mieux adapté aux besoins de votre enfant".
Et pourtant, l'allaitement n'est pas suffisamment suivi. Cette étude apparaît d'autant plus utile au moment où la situation nutritonnelle des bébés dans le monde inquiète. "Seul un enfant sur cinq est allaité jusqu'à ses douze mois dans les pays riches tandis que seul un enfant sur trois est allaité exclusivement les six premiers mois de son existence dans les pays à revenus faibles ou moyens", indique la revue britannique The Lancet. Ce sont par conséquent des millions d'enfants qui ne bénéficient pas pleinement des bienfaits du lait maternel, constatent les chercheurs.
Une tendance qui se vérifie en France. Selon une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'InVS en septembre dernier, la durée moyenne de l'allaitement s'est certes allongée ces dernières années mais reste encore trop courte dans l'Hexagone. Si une majorité de mères (près de 70%) entame un allaitement naturel à la naissance de leur enfant, un mois après la proportion des femmes allaitantes chute à 53,8%. Seulement 9,9% des mères suivent les recommandations de l'OMS aux six mois du bébé.
Les mères qui allaitent aussi mieux protégées. Selon cette série d'études qui a compilé les données recueillies dans 164 pays, l'allaitement aurait aussi des vertus protectrices pour la mère. Il réduirait de 20.000 le nombre de décès dus à des cancers du sein. L'allaitement réduirait aussi les risques de cancer d'ovaire.
L'allaitement pourrait aussi permettre des économies. Les chercheurs ont par ailleurs calculé qu'en portant à 90% le taux d'allaitement exclusif jusqu'à six mois aux Etats-Unis, en Chine et au Brésil et à 45% au Royaume-Uni, les coûts de traitements des maladies infantiles courantes telles que la pneumonie, la diarrhée ou l'asthme diminueraient. Grâce à l'allaitement "une économie pour le système de santé d'au moins 2,45 milliards de dollars aux Etats-Unis, de 29,5 millions au Royaume-Uni, de 223,6 millions en Chine et de 6 millions au Brésil" serait réalisable.