Comment clarifier les relations dangereuses entre les médecins de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et les laboratoires pharmaceutiques ? Dans un rapport rendu lundi à Martin Hirsch, le patron de l'AP-HP, on apprend qu'une partie des 10.000 médecins des hôpitaux de Paris sont dans des "situations à risques". En clair, les médecins visés flirtent avec la ligne jaune dans leurs relations financières avec les industriels.
Sur Europe 1 mardi matin, le Pr Dreyfuss, chef du service de réanimation à l'hôpital Louis-Mourier de Colombes et professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Diderot, a défini un conflit d’intérêt entre médecins et laboratoires comme "l'ensemble des conditions dans lesquelles le jugement professionnel concernant un intérêt primaire peut être influencé par un intérêt secondaire, tel qu'un lien financier". Pour ce médecin, cette remise en cause de l'indépendance des médecins est clairement "l'une des plus grandes menaces sur la recherche actuellement".
Des contrats avec des industriels. Plusieurs cas ont récemment été révélés. Le plus emblématique est celui du chef du service de pneumologie-allergologie de l'hôpital Bichat, Michel Aubier. Pendant plus de 20 ans, le médecin a minimisé la toxicité du diesel sur la santé dans plusieurs médias, tout en cachant son activité de médecin-conseil chez Total. Il a ainsi perçu, sans le dire, plusieurs dizaines de milliers d'euros du groupe pétrolier. Un cardiologue, lui, a signé un contrat avec une marque agroalimentaire pour donner des conseils sur une margarine anti-cholestérol sans jamais en avertir sa hiérarchie.
Intérêts privés ou intérêts publics. Si ces pratiques sont courantes, elles prêtent à confusion, selon Martin Hirsch. "Ce qui est inconfortable pour tout le monde, c’est quand on apprend que telle personne pouvait être payée comme un expert par l’industriel avec lequel l’hôpital va faire un partenariat. On ne sait plus si cette personne roule pour ses intérêts privés, pour l’industrie ou pour l’hôpital".
Le rôle central des labos. "On est dans un système où il est difficile d’imaginer qu’il n’y ait pas de partenariat public-privé, il est normal que de leurs côtés les laboratoires cherchent le retour sur investissement", a déclaré le Pr Dreyfuss. "Le problème, c’est quand des sommités médicales dépassent très largement leur rôle de scientifiques pour devenir des promoteurs publicitaires". En effet, faute d’argent public, ce sont bien souvent les labos qui payent la plupart des études menées sur les médicaments dans les hôpitaux parisiens. Ce sont également eux qui payent les déplacements des médecins dans les congrès de médecine, pour un montant total de 30 et 40 millions d’euros par an.
Ce sont ces mêmes labos qui payent les plateaux repas de la réunion hebdomadaire du service cardiologie d'un grand hôpital parisien. Le chef du service assume : "il n’y a pas de honte à travailler avec l’industrie, à partir du moment où on est droit dans ses bottes".