L’association réclame "une réforme urgente" de la politique de l’eau en France. Dans un rapport sur la "préservation de la ressource aquatique" publié à l'occasion des États généraux de l'alimentation qui se tiennent en ce moment, l’UFC Que choisir alerte sur la situation "calamiteuse" des nappes phréatiques françaises. "Dans la moitié du territoire français, les pesticides sont présents dans les cours d'eau à des doses supérieures à la norme autorisée dans l'eau potable", alerte l’étude. "Les contaminations en nitrates ont progressé, ne laissant plus que la moitié des nappes indemnes", renchérit l’association.
L’UFC Que choisir impute ces "désastres environnementaux" à l'agriculture intensive et à l’augmentation de l’usage des pesticides de 18% en cinq ans. L'agriculture, "pourtant responsable à elle seule de 70% des pollutions en pesticides, de 75% des pollutions en nitrates et de la moitié des consommations nettes en eau" ne paie que "7% de la redevance 'pollutions' et 4% de la redevance 'prélèvement'", déplore l’étude. L’association met ainsi en ligne une pétition, pour réclamer une réforme en profondeur du système de gestion de l’eau afin de faire davantage payer ceux qui polluent le plus, et d’inciter à la reconversion des agriculteurs.
>> Mais en attendant un changement en profondeur, que peut faire le consommateur pour s’assurer d’une consommation d’eau sans danger ? Eléments de réponse.
Surveillez régulièrement la situation de votre commune
L’UFC-Que choisir se veut rassurante : si la plupart des cours d’eau sont pollués, l’eau du robinet reste parfaitement potable dans la grande majorité des cas. L’eau qui arrive au robinet est nettoyée bien en amont, au prix d’une cinquantaine de milliards d’euros dépensés chaque année par les services de traitement et de dépollution (et majoritairement payés par les consommateurs). Le hic ? La gestion de l’eau est aujourd’hui confiée aux communes. Et toutes n’ont pas les mêmes moyens face à la pollution de leur eau. Ainsi, selon Que Choisir, qui se base notamment sur les chiffres des agences de l’eau et du ministère de l’Ecologie, 2,9 millions de personnes, principalement dans des communes rurales et montagnardes ou l’activité agricole est intensive, ont accès à une eau du robinet dont les seuils de pesticides (5% des réseaux nationaux), de nitrates (0,8%) et de bactéries (0,7%) dépassent les normes européennes en vigueur.
Comment savoir si votre commune dépasse les seuils ? L’association de consommateurs met en ligne une carte interactive, où l’état de l’eau du robinet est scruté et réactualisé tous les deux ans, commune par commune. Une carte similaire (plus précise mais moins lisible) est proposée par le ministère de la Santé. Problème ? Les données sont réactualisées tous les deux ans et ne tiennent pas toujours compte des aléas climatiques, la pluie notamment, qui peuvent changer le taux de pollution des nappes. "La seule manière de connaître véritablement et précisément l’état de pollution de l’eau du robinet, c’est d’aller vous renseigner à la mairie. Vous allez à l’accueil, et vous demandez. Les communes ont obligation de vous renseigner là-dessus", indique Olivier Andrault, chargé de mission agriculture/alimentation à l’UFC-Que choisir.
Adaptez la consommation en fonction du taux de pollution
Une fois le degré de pollution connu, le risque n’est pas le même pour tous les consommateurs. Les seuils européens ayant une marge de sécurité assez large, leur dépassement sur du court terme ne nécessite pas forcément d’arrêter de boire l’eau du robinet pour une personne lambda. Lorsque la concentration en nitrates est comprise entre 50 et 100 mg/l, l’eau ne doit en revanche pas être consommée par les femmes enceintes et les nourrissons. Si elle est égale ou supérieure à 100 mg/l, l’eau ne doit pas être utilisée du tout, par personne.
Si votre eau du robinet est polluée et que vous devez opter pour de l’eau en bouteille, privilégiez l’eau de source, moins riches en minéraux et dont les normes de potabilité sont plus strictes que pour l’eau minéral. Mais rien ne sert de se ruer sur les packs d’eau, assure Que choisir. "Rapprochez-vous de votre commune. Lorsque l’eau est trop polluée, des distributions d’eaux en bouteille sont organisées la plupart du temps. Il ne faut pas oublier qu’une eau en bouteille a un bilan carbone 65 fois plus élevé que l’eau du robinet (à cause du transport et des emballages, notamment). Mieux vaut donc y réfléchir à deux fois avant d’acheter de l’eau en bouteille", prévient Olivier Andrault. En clair, il s’agit de ne pas se servir de la pollution de l’eau pour aggraver la pollution de l’air.
Quelques conseils pratiques avant de boire l’eau du robinet
La pollution n’est pas la seule ennemie de l’eau du robinet. Pour éviter une contamination bactérienne, il est conseillé de laisser couler l’eau quelques secondes après une nuit ou une absence.
Evitez également de faire chauffer de l’eau sortie chaude du robinet : le plomb présent dans les vieilles canalisations se dilue plus facilement dans l’eau chaude que l’eau froide. L’autre inconvénient est bactériologique : l’eau chaude peut stagner dans les canalisations ou le ballon d’eau chaude, des zones propices aux bactéries.
Par ailleurs, pour éviter le goût de chlore, qui détourne plus d’un consommateur du robinet, il suffit de laisser l’eau au contact de l’air ambiant : le chlore présent dans l’eau va alors s’évaporer.
Que penser, enfin, des carafes filtrantes ? Si elles sont plutôt efficaces pour filtrer le chlore ou certains métaux comme le plomb, leur efficacité est plus variable en ce qui concerne le calcaire, ou d'autres substances comme le charbon ou l'argent. Contre les pesticides et le nitrate, en revanche, elles ne servent à rien. Aussi, et surtout, elles doivent être utilisées avec grande précaution : le filtre doit être changé très régulièrement, elle doit être conservée au réfrigérateur et il faut consommer l'eau filtrée rapidement, idéalement dans les 24 heures après la filtration. En outre, boycottez celles qui se vendent sur internet, qui ne respectent pas toujours les normes européennes.