Cette infection virale provoque des complications plus ou moins graves dans un tiers des cas. Sa recrudescence est même à l’origine de trois décès en France depuis le début de l’année.
C’est un retour en force qui inquiète la communauté médicale. Plusieurs pays européens, dont la France, font face à une recrudescence des cas de rougeole. Sur les six premier mois de l’année, quelque 41.000 personnes auraient été contaminés par ce virus sur le continent, dont 37 ont trouvé la mort. À titre de comparaison, seul 24.000 cas avaient été signalés sur toute l’année 2017, et seulement 5.300 en 2016, alerte l’OMS. En France, 2.741 malades ont été répertoriés entre novembre 2017 et août 2018, et trois décès imputés à la maladie depuis le début de l’année, selon les chiffres de Santé publique France.
Comment la détecter ?
De la fièvre et des boutons. Les premiers symptômes de la rougeole apparaissent après une phase d’incubation d’une dizaine de jours. Ils se caractérisent par une forte fièvre, un écoulement nasal, de la toux et un gonflement des yeux. Ils peuvent aussi s’accompagner de vomissements et de nausées. Plus caractéristique : l’apparition au bout de trois à quatre jours d’une éruption cutanée, constituée de petits boutons très rouges et légèrement gonflés, qui gagnent d’abord le visage (front, oreilles, joues et cou) avant de se répandre rapidement sur le reste du corps, sans que des démangeaisons y soit nécessairement associées. C’est très souvent cette irruption qui permet au médecin de diagnostiquer la maladie.
Le signe de Köplik. Autre symptôme typique de la rougeole : l’apparition de petites tâches blanchâtres sur la muqueuse buccale, connues sous le nom de signe de Köplik. "C’est une manifestation qui passe souvent inaperçue, mais qui rend le diagnostic certain à 100%", assure Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon et directeur de recherches à l'Inserm. Dans le cas d’une rougeole non compliquée, l’ensemble des symptômes diminue fortement au bout de trois à quatre jours, avant de disparaître complètement.
Pourquoi la rougeole est-elle considérée comme une maladie grave ?
Les voies respiratoires en première ligne. Environ 30% des cas de rougeoles débouchent sur une aggravation. "En l’absence de toute intervention, on est sur un décès pour 1.000 contaminations", signale Bruno Lina. "C’est une maladie qui entraîne une très forte immunodépression. Le système immunitaire en sort complètement à plat", poursuit-il. Ce qui explique le fort taux de complications, souvent d’ordre respiratoire : bronchites, laryngites mais aussi des pneumonies qui peuvent se sur-infecter par une bactérie. Entre 2008 et 2016, sur les 24.000 cas de rougeole déclarés en France, 1.500 ont développé une pneumopathie grave, selon les chiffres de l'Assurance maladie.
Dangereux maux de tête. Plus rares, mais plus graves aussi : les complications d’ordre neurologique, généralement caractérisées par trois types d’inflammation aiguë du cerveau. Ainsi, l’encéphalite post-infectieuse, qui survient deux ou trois jours après la baisse des symptômes, lorsque le système immunitaire, mis à mal par l’infection, se retourne contre le cerveau lui-même. Elle peut se solder par un handicap mental, une paralysie ou de l’épilepsie.
Une encéphalite peut également apparaître brutalement deux à six mois après la maladie, par infiltration du virus dans le liquide céphalo-rachidien qui baigne le cerveau. Elle est systématiquement mortelle.
Enfin, la panencéphalite sclérosante subaiguë, mortelle également, peut survenir jusqu’à quinze ans après l’épisode de rougeole. Elle est provoquée par une mutation du virus, capable de rester en hibernation plusieurs années. "À son réveil, il provoque une infection permanente dans le cerveau", explique Bruno Lina. La malade tombe dans le coma, puis décède au bout de quelques mois, voire de plusieurs années.
Un risque de cécité. "Très exceptionnellement, il peut y avoir des complications au niveau de l’œil, avec une keratoconjonctivite et une perte de la vue", signale également l’infectiologue.
Comment s’en prémunir ?
Une maladie extrêmement contagieuse. Même si sa fiabilité n’est pas totale, la vaccination offre la couverture la plus efficace dans la mesure où "la rougeole est la maladie infectieuse la plus contagieuse que nous connaissions", signale notre spécialiste. Ainsi, se faire vacciner ça n’est pas seulement se protéger soi, c’est aussi protéger son entourage, et notamment les personnes immunodéprimées, dont l’état du système immunitaire empêche toute l’inoculation. Les médecins sont d’ailleurs tenus de signaler aux autorités sanitaires chaque cas diagnostiqué. "La rougeole, très fréquente avant les années 1980, est devenue plus rare aujourd’hui grâce à la vaccination, ce qui fait que les jeunes médecins ont moins l’habitude de ce type de maladie et ne prennent pas toujours les précautions sanitaires nécessaires", déplore toutefois Bruno Lina.
Une couverture vaccinale imparfaite. Paradoxalement, les personnes nées avant 1980, et donc avant les premières campagnes de vaccination, ne craignent plus rien aujourd’hui. La très forte prévalence de la maladie avant cette date les a forcément mis en contact avec le virus, ce qui leur a permis de développer une immunité naturelle après contamination. En revanche, les personnes nées après 1980 doivent s’assurer avoir bien reçu les deux doses de vaccin. 89 % des cas de rougeole signalés depuis novembre 2017 sont survenus chez des sujets non ou mal vaccinés, relève Santé publique France. Seuls deux tiers des enfants vaccinés une première fois recevrait le rappel, selon Le Figaro.
Pour éradiquer la maladie, il faudrait une couverture vaccinale couvrant au moins 95% de la population, or "elle tourne aux alentours de 86 à 88% en France", indique Bruno Lina. Précisons toutefois que le gouvernement a rendu le vaccin Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR) obligatoire chez les nouveau-nés depuis le 1er janvier 2018.