C’est une étude qui se veut rassurante. Les protections hygiéniques utilisées pendant les règles ne favorisent pas les chocs toxiques, selon les premiers résultats d'une enquête menée par une équipe spécialisée du CHU de Lyon et publiés cette semaine. "La découverte de cette étude est que les produits actuellement sur le marché ne sont pas dangereux et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter", commente Gérard Lina, du Centre national de référence du staphylocoque des Hospices Civils de Lyon, vendredi dans une interview à la Voie du Nord. Pour autant, l’étude prévient : des précautions d’utilisation sont de mises. Et le risque zéro n’existe pas non plus, qu’il s’agisse de tampons ou de coupes menstruelles, les deux types de produits testés par les chercheurs. Explications.
Protections hygiéniques et choc toxique, quel est le rapport ?
Dans les années 1980, la responsabilité des tampons dans les chocs toxiques, ces infections potentiellement mortelles liées à la présence du staphylocoque doré, avait vivement été pointée du doigt. "On avait alors découvert que certains tampons, de la marque Rely notamment, stimulaient la production de la toxine qui déclenche le choc toxique. Ils avaient alors été retirés du marché", raconte le professeur Gérard Lina. 20 à 30 % de femmes sont en effet porteuses du staphylocoque doré. Si le fluide menstruel est bloqué par un tampon, la bactérie peut l’utiliser comme milieu de culture et se développer.
Quels sont les symptômes du choc toxique ?
Ils sont très similaires aux symptômes d’une grippe. Si les cas varient selon les femmes, quatre signes avant-coureurs sont indispensables pour établir le diagnostic : une très forte fièvre (plus de 39°C), une éruption cutanée, une très faible tension et des vomissements ou diarrhées. Si un médecin a des doutes sur un potentiel syndrome de choc toxique, il doit faire hospitaliser d’urgence son patient.
Les erreurs de diagnostic n'ont pas disparu, reconnaissent toutefois les chercheurs, qui plaident pour une meilleure formation des médecins et des adolescentes, notamment en milieu scolaire. Justine, 26 ans, victime de ce syndrome il y a quelques années, a fait les frais d'un manque de connaissance. "La pharmacie m'a dit que j'avais la gastro, le médecin la scarlatine, et aux urgences personne n'a eu l'idée de me poser une question" sur les règles, déplore-t-elle auprès de l'AFP.
Que révèle l’étude publiée cette semaine ?
Les protections actuelles sont moins dangereuses que dans les années 80. Les auteurs de l’étude (dont les résultats ne sont que partiels) publiée cette semaine ont cherché à savoir si les protections hygiéniques actuellement commercialisées sur le marché constituent des terreaux propices au développement des toxines responsables du choc toxique. Et la réponse se veut rassurante.
"On a reproduit l’étude qui avait été menée dans les années 80 avec le tampon Rely. Il s’agit de mettre différents types de tampons et coupes menstruelles dans une culture de staphylocoque dans un sac plastique qui reproduit la condition vaginale, à 37°C et de regarder au bout de quelques heures les conséquences", décrit Gérard Lina. Et de poursuivre : "La plupart des protections, tampons ou coupes, ont un impact neutre, c’est-à-dire qu’il n’y a ni plus ni moins de bactéries au bout de 8 heures que s’il n’y avait pas de protection périodique interne. C’est très rassurant : dans les années 80, sur le tampon Rely, au bout de quelques heures, la production de staphylocoques était multipliée par dix !", assure Gérard Lina.
Certaines protections sont plus neutres que d’autres. L'étude constate en revanche que les coupes menstruelles, parfois aussi appelées "cup" (sorte de petit entonnoir, la plupart du temps en silicone, qui s’insère dans le vagin) permettent une arrivée d'air plus importante, donc d'oxygène, ce qui favorise la croissance du staphylocoque. "Il apparaît dans cette étude que certains tampons diminuent la production de bactéries et staphylocoques. Et que si elles ne sont pas dangereuses, les coupes menstruelles peuvent tout comme les tampons, provoquer dans des cas extrêmement rares un choc toxique. Mais il ne faut pas oublier que cette étude a été faite in vitro (donc pas en conditions réelles ndlr) et que les petites différences entre tel et tel tampon ou coupe sont peu pertinentes", ajoute Gérard Lina.
Comment bien utiliser les protections ?
Pas plus de six heures par jour, dans l'idéal quatre. Qu’il s’agisse d’un tampon ou d’une coupe, en effet, l’important est surtout la durée d’utilisation de la protection. Pour les tampons comme pour les coupes, les auteurs de l’étude rappellent de ne pas les porter plus de 4 à 6 heures et de les enlever la nuit. "Quand on les utilise correctement, le risque est moindre", souligne le Pr Lina.
Toutefois, le risque n’est jamais non plus de "zéro", assurent les scientifiques. Ils insistent : leur étude montre que les protections actuellement commercialisées sont moins dangereuses que dans les années 80, pas qu’elles sont 100% inoffensives. Les chercheurs appellent donc à davantage encadrer leur commercialisation. Ils prônent notamment davantage de transparence dans la composition des tampons. À l’inverse des médicaments, les marques ne sont pas tenues de préciser les ingrédients précis qui servent à leur fabrication. Pourtant, tous les tampons ne se valent pas. Ainsi, plus un tampon est composé de matière synthétique, plus il est susceptible de contenir des produits toxiques.
Privilégier les moins absorbants… et les serviettes. Aujourd’hui, les fabricants sont seulement obligés d’indiquer le degré d’absorption de leurs produits. Car plus un tampon est absorbant, plus il est susceptible de contenir de la matière synthétique. Il est donc conseillé de privilégier les tampons les moins absorbants, composés majoritairement de cotons (en théorie). De manière générale, toutefois, les chercheurs spécialistes de la question incitent pour l’heure à privilégier les serviettes hygiéniques : même si elles peuvent contenir des produits chimiques, ces derniers ne sont pas directement en contact avec l’intérieur du vagin, ultra-perméable.
Les analyses des tampons récoltés vont se poursuivre d'ici la fin de l'année. Un appel est par ailleurs lancé aux femmes qui souhaitent participer à une enquête sur leurs pratiques. Parallèlement, une étude lancée par le CNR et le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) devrait permettre d'évaluer correctement l'incidence de la maladie.