Faut-il se méfier du docétaxel ? Mercredi, l'agence nationale de sécurité du médicament ANSM, a annoncé qu'une enquête de pharmacovigilance avait été ouverte en septembre sur les médicaments contenant cette molécule. Le docétaxel est utilisé dans le traitement des cancers du sein, du poumon, de la prostate, du cancer gastrique et des voies aéro-digestives supérieures. Six femmes de 46 à 73 ans, traitées pour un cancer du sein avec le médicament générique de cette molécule, ont été victimes d'inflammation simultanée des muqueuses de l'intestin grêle et du côlon et cinq d'entre elles sont décédées.
Si l'ANSM ne recommande pas le retrait des médicaments contenant cette molécule, elle a envoyé un courrier aux professionnels de santé leur rappelant qu'il existait une alternative. De quoi interroger sur cette fameuse molécule. Pour autant faut-il s'alarmer ? Décryptage avec le cancérologue Jean-Yves Blay, directeur général du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, à Lyon.
A quoi sert le docétaxel ?
C'est une molécule utilisée dans plusieurs types de pathologies, dont le cancer du sein. Dans les cas cités par l'agence nationale de sécurité du médicament, il a été utilisé pour réduire le risque de rechute sur des patientes dont la tumeur avait été enlevée. C'est un traitement préventif et depuis le début de son utilisation, il y a 50 ans, on constate que cela marche.
Est-il beaucoup utilisé en France ?
Il s'agit de l'une des molécules les plus utilisées dans les protocoles de chimiothérapie adjuvante (une fois que la tumeur a été enlevée), que ce soit sous forme initiale ou générique. C'est globalement 50% des patients de chimio qui sont traités avec le docétaxel et 50% avec le taxol, une molécule cousine.
Y a-t-il des risques associés à son utilisation ?
Des complications peuvent se produire avec le docetaxel, mais les effets très graves sont rares. Les médicaments de chimiothérapie ont pour but de détruire les cellules tumorales mais elles peuvent aussi détruire les autres cellules. Toute chimiothérapie est associée à un risque de complication grave mais ce risque est infime. Il est de moins de 1%. La question qu'il faut se poser c'est : à partir de quel niveau de faible risque il est recommandé ou non d'administrer un traitement à un patient.
Selon les informations du Figaro, le même lot de médicaments génériques a été utilisé pour trois patientes, dont deux sont décédées…
Avant de tirer des conclusions, il faut d'abord mesurer sur toutes les personnes traitées avec ces lots combien ont fait des complications par rapport au ratio général. Il faut regarder numériquement les choses. Que la molécule soit en cause, cela ne fait aucun doute. Mais la question est de savoir s'il y a une différence de toxicité entre la molécule originale et son générique. Et à ce stade, il est très difficile de le savoir.
Les génériques sont-ils différents des molécules originales?
Ce sont des copies de la molécule originale avec des différences infimes, comme la pureté de la molécule ou les excipients qui lui sont associés. Le problème, c'est que les études cliniques menées avant la mise sur le marché d'un générique n'ont pas la même ampleur que les études menées sur la molécule d'origine. Pour le générique, on part de l'hypothèse que la molécule est exactement la même et on se limite à des études sur une population plus petite, car cela coûte moins cher. On peut se demander aujourd'hui si la toxicité de ces médicaments, notamment dans le cas de traitement préventif, est suffisamment surveillée.