Une enquête internationale réalisée par 59 médias, publiée dimanche, dénonce les lacunes du contrôle des implants médicaux (pacemaker, prothèse de hanche...) en Europe, notamment en France, en évoquant des incidents de plus en plus nombreux, difficiles à quantifier et à identifier.
Cette enquête baptisée "Implant Files" a été menée par plus de 250 journalistes dans 36 pays, dans le cadre du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), dont ceux du Monde, de Radio France et de Premières Lignes (producteur de l'émission Cash Investigation) en France. Au terme de leurs recherches, ils affirment le nombre d'incidents liés aux "dispositifs médicaux" (pompes à insuline, pacemakers, prothèses mammaires, de hanche, d'épaule ou de genou) augmente partout dans le monde.
Des incidents qui auraient doublé en dix ans en France. Aux États-Unis, qui disposent d'un recueil de déclarations via une base de données, ces incidents auraient causé 82.000 morts et 1,7 million de blessés en dix ans, et auraient été multipliés par cinq, selon les estimations de l'ICIJ. En France, selon les chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui tient un répertoire des signalements de matériovigilance, le nombre d'incidents lié à ces implants aurait doublé en dix ans, avec plus de 18.000 cas en 2017 et environ 158.000 incidents en dix ans, selon Le Monde. En Belgique, quelque 3.800 "incidents" ont été recensés depuis 2013, mais ce décompte serait "largement sous-estimés", selon Le Soir.
Les marques et modèles des implants restent difficile à identifier. Les données resteraient globalement très incomplètes et souvent confidentielles, selon l'enquête, rendant impossible de dénombrer avec précision les incidents et de connaître la marque et le modèle des implants posés, et donc de retrouver les patients en cas de problème. En France, "le nombre global" de dispositifs commercialisés n'est ainsi "pas approchable", reconnaît Jean-Claude Ghislain, directeur pour les situations d'urgence, les affaires scientifiques et la stratégie européenne à l'Agence du médicament ANSM, cité par Le Monde.
Échanges peu transparents. En France, où les professionnels de santé doivent déclarer ces incidents aux autorités, cette obligation serait peu respectée, alors qu'un nouveau règlement européen de 2017 se contente de demander aux États membres de l'UE d'"encourager" les médecins à les déclarer, regrette les auteurs. L'enquête déplore également des échanges peu transparents entre autorités de santé concernant ces incidents graves, alors qu'une base de données européenne, Eudamed, doit être mise en ligne en 2020, mais que les États membres sont en désaccord sur le degré d'informations à donner.
Une enquête qui souligne les nombreux incidents liés au leader Medtronic
Le leader mondial des technologies médicales, l'américain Medtronic, est potentiellement lié à 9.300 décès et 292.000 blessures entre 2008 et 2017 aux États-Unis, selon des rapports sur les incidents liés aux implants médicaux analysés dans le cadre de l'enquête journalistique internationale publiée dimanche. D'après ces rapports faits auprès des régulateurs américains, l'an dernier, un incident sur cinq dû à un implant médical était lié à un produit de Medtronic, plus du double que pour tout concurrent de la société. Cette enquête, menée dans 36 pays dans le cadre du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), relève que les rapports réalisés auprès des autorités au Japon, en Norvège ou en Australie placent également l'entreprise américaine parmi celles qui ont été liées au plus grand nombre d'incidents au cours des cinq dernières années.