"Plus personne ne veut faire ce boulot mal payé, dans des conditions difficiles." Le constat de Mathias Wargon est clair : pour le chef des urgences de l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis, la pénurie de personnel dans les urgences, que dénoncent 175 médecins hospitaliers et libéraux dans une pétition adressée à Édouard Philippe, va montrer cet été que ce métier est en crise profonde. "Permanente", même, selon lui.
Des médecins "pas assez bien payés". "Tous les services d'urgences ont des problèmes de recrutement. (…) Les médecins ne sont pas assez bien payés pour la difficulté du travail, on les embauche à un tarif extrêmement loin du marché, explique Mathias Wargon, alors que sa direction ne l'a pas empêché de recruter. Au contraire : "Pour l'instant, je n'ai pas recruté des médecins français, je ne recrute que des médecins à l'étranger qui, eux, acceptent de venir."
Chiffres à l'appui, le chef des urgences de cet hôpital "en grande difficulté", selon l'Agence régionale de santé, montre que les médecins n'hésitent pas longtemps avant de refuser de pratiquer aux urgences : "Un médecin va gagner 3.500, 4.000 euros, plus peut-être 1.000 euros avec les gardes. Un intérimaire va gagner au minimum 1.200 euros pour 24 heures, le choix est vite fait, avec parfois des centres où l'activité est moindre."
"Plus d'arrêt" aux urgences. La manière d'exercer ce métier s'est également dégradée : "Les conditions sont tellement dures, le service tourne 24 heures sur 24. Il n'y a plus d'arrêt, on reçoit des patients en permanence", déplore Mathias Wargon. Cet été, "ça sera donc "pire que l'été dernier". Craint-il une surmortalité liée à ce manque de médecins ? "J'espère que non, mais le mécontentement de la population sera plus fort, c'est sûr."
Pour les signataires de la lettre ouverte, en tout cas, le risque de surmortalité est réel : "Nous vous alertons sur une mise en danger de la vie d'autrui et non-assistance à personne en danger. Mise en danger de la population qui s'adresse à nous, et mise en danger des professionnels qui doivent remplir cette tâche sans en avoir les moyens", écrivent-ils. "Les décès médiatisés survenus récemment" ne sont pas de "faits isolés", mais des "signes patents de la dégradation nationale des services hospitaliers", estiment-ils, appelant à "réinjecter au plus vite dans le système de santé les moyens indispensables".