Des "dizaines de milliers" de bébés risquent de naître avec des malformations du crâne et du cerveau ou d'autres affections en raison de l'épidémie de Zika en Amérique latine et aux Caraïbes, selon une étude publiée lundi. "Dans le pire des scénarios", 1,65 million de femmes enceintes pourraient contracter le virus au cours de cette épidémie, d'après les auteurs de cette étude, qui jugent "crédible" ce chiffre "plafond".
Une "énorme" part d'incertitude. Parmi ces femmes infectées pendant leur grossesse, "des dizaines de milliers" pourraient mettre au monde un enfant atteint de microcéphalie (développement insuffisant du crâne et du cerveau) ou d'anomalies cérébrales sans malformation visible du crâne à la naissance. Parmi les autres risques liés au virus figurent divers troubles neurologiques, des retards de croissance ou même la mort du foetus. Au total, plus de 90 millions de personnes, dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes, pourraient avoir été infectées à la fin de l'épidémie, qui a débuté en 2015 sur le continent, estiment les chercheurs, dont les travaux sont publiés dans la revue Nature Microbiology.
Dans 80% des cas, l'infection reste bénigne et passe même souvent inaperçue, rappellent ces chercheurs. Il n'existe à ce stade aucun vaccin, ni traitement spécifique, contre le Zika, transmis principalement par des moustiques Aedes aegypti, mais aussi par voie sexuelle et de la mère à l'enfant qu'elle porte. Cette prévision, comme d'autres, comporte cependant une "énorme" part d'incertitude, admet Alex Perkins (Université Notre Dame, Indiana, États-Unis), principal auteur de l'étude. D'après ces calculs, avec 37,4 millions d'infections, le Brésil devrait se retrouver en tête des pays de la région touchés, devant le Mexique (14,9 M) ou le Venezuela (7,4 M), en raison de sa taille et de conditions favorables à la transmission du virus (température...).
Des estimations "prudentes". D'autres experts, qui n'ont pas participé à cette étude, jugent "prudentes" ses estimations concernant le nombre de bébés potentiellement atteints. Une recherche récente suggère que jusqu'à 29% des bébés de mères infectées développent des problèmes, relève ainsi le Dr Derek Gatherer, de l'université britannique de Lancaster. "Si cela se confirme, plus d'un demi-million d'enfants en Amérique latine pourraient finalement être touchés", ajoute-t-il. Le Zika s'est rapidement propagé en 2015 en Amérique du Sud et dans les Caraïbes.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déjà prévenu depuis plusieurs mois qu'elle s'attendait à une propagation "explosive" dans les Amériques, avec 3 à 4 millions de cas cette année. Pour faire les projections publiées lundi dans Nature Microbiology, les chercheurs ont notamment pris en compte l'immunité acquise par la population, au départ totalement vulnérable à l'infection. Cette immunité, dite "immunité de troupeau", survient quand le nombre de personnes immunisées a dépassé une masse critique, conférant une protection indirecte au reste de la population. Un phénomène de barrière que l'on retrouve dans d'autres épidémies.
L'épidémie devrait s'éteindre d'elle-même dans deux ou trois ans. Les auteurs ont aussi intégré dans leurs calculs les niveaux réels d'infection au Zika dans la population, mesurés à l'aide d'analyses de sang. Par comparaison, 53 millions infections par le virus de la dengue ont eu lieu en 2010 dans cette région du monde, d'après une étude parue en 2013. L'épidémie actuelle de Zika devrait s'éteindre d'elle-même dans les deux à trois ans en Amérique latine, ont estimé à las mi-juillet des chercheurs britanniques dans la revue Science. Une autre épidémie de grande ampleur ne devrait pas survenir avant au moins dix ans, le temps nécessaire pour qu'apparaisse une nouvelle génération de personnes qui n'ont pas été exposées au virus et ne sont donc pas immunisées.