L'année 2016 a duré une seconde supplémentaire. Celle-ci doit s'ajouter le 31 décembre au décompte final avant le passage en 2017. C’est la 27ème fois depuis 1972 qu’une seconde dite "intercalaire" vient se glisser dans notre calendrier. Il s’agit de corriger le décalage entre les horloges atomiques, d’une régularité quasi immuable et sur lesquelles est ajusté le temps légal depuis 1967, et le temps astronomique soumis aux variations naturelles de vitesse de la rotation de la terre. En clair : l’horaire sur lequel nous calons nos journées ne correspond pas nécessairement au déplacement apparent du Soleil dans le ciel, et de temps à autre, ces deux pendules doivent être réaccordées pour éviter un trop grand écart.
61ème seconde. Depuis 1972, date à laquelle le temps universel coordonné a été adopté par les pays, une convention internationale stipule que le décalage entre le temps atomique et le temps astronomique ne doit pas dépasser les 0,9 seconde, ce qui oblige à des réajustements occasionnels. Cette année, l’ajout d’une seconde supplémentaire se fera le 31 décembre entre 23h59 et minuit. Mais en France, avec l’heure d’hiver, ce décalage interviendra entre 00h59 et 1 heure du matin. En clair, le 1er janvier 2017, entre 00h59m59s et 1h00m00s, il y aura une 61ème seconde !
Le maître du temps. "Parler de la seconde intercalaire, c’est un peu parler du sexe des anges", plaisante Christian Bizouard, directeur du Service de la rotation de la Terre de l’Observatoire de Paris. C’est à ce chercheur qu’incombe la décision de retarder ou non d’une seconde les horloges atomiques de la planète. En 1912, une conférence internationale a validé la création à Paris d’un Bureau international de l’heure et depuis, c’est la France qui donne le la au reste du monde en terme de temps coordonné.
" On ne peut pas opérer le temps lui-même, on se contente de le renommer. "
"Ce sera ma première seconde", avoue Christian Bizouard. "L’erreur est humaine, alors pour être sûr de ne faire aucune bêtise, je demande l’avis de collègues à travers le monde, notamment ceux de l’observatoire naval de Washington", explique l’astronome qui avoue que cette tâche ne l’occupe qu’une poignée d’heures sur une année. "On ne fait pas que ça, mais cette seconde fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose. On ne peut pas opérer le temps lui-même, on se contente de le renommer. C’est la même chose que le changement d’heure."
Des fluctuations imprévisibles. Sur les deux derniers siècles, la vitesse moyenne de rotation de la Terre a baissé, indique Christian Bizouard. Le jour astronomique a donc tendance à s’allonger par rapport à la journée du cadran atomique, ce qui explique qu’il n’ait encore jamais fallu retrancher de seconde. Par convention, les ajouts s’effectuent le 30 juin ou le 31 décembre. Mais les fluctuations terrestres étant relativement imprévisibles, une troisième date, jamais utilisée, a été arrêté au cas où : le 31 mars.
Une précieuse seconde sur Internet. Si cette seconde supplémentaire devrait passer inaperçue pour tout un chacun, il n’en va pas nécessairement de même pour les systèmes informatiques où une seule seconde engouffre des milliards de calculs. Une seconde, ce sont 140.000 tweets envoyés dans le monde et 55.000 likes sur Facebook, par exemple, indique Libération. La seconde intercalaire ajoutée le 30 juin 2012 avait notamment fait planter la plateforme Linux et plusieurs programmes utilisant le langage Java, rappelle Le Figaro. Depuis 2009, Google, par précaution, ajoute quelques millisecondes à chacune de ses mises à jour pour anticiper le décalage. Dans l’aérospatial, où le moindre écart peut avoir des conséquences dramatiques, le principe de précaution s'impose, souligne Francetvinfo : aucun lancement de fusées les jours de seconde intercalaire.
Un avenir incertain pour ces secondes intercalaires. Pour Christian Bizouard, la seconde intercalaire n’a plus vraiment de raison d’être en 2017. Dans les années 1970, l’ajustement de l’heure atomique sur l’heure astronomique permettait aux militaires ou aux marins de calculer leur position à la surface du globe, l’heure coordonnée indiquant la position du soleil. Désormais, les GPS ont pris le relais, avec une précision bien plus grande. "Maintenant, on ne travaille plus avec des secondes, mais avec des millisecondes", relève le scientifique. Certains satellites effectuent même leurs calculs sur la base de relevés quotidiens des fluctuations de la vitesse terrestre. En 2023, une conférence mondiale sur les radiocommunications, sous l’égide de l’ONU, devrait se pencher sur le sujet et décider du maintien ou non du système des secondes intercalaires. "Il faut des années pour adopter un accord, mais parfois, il faut encore plus de temps pour l’abandonner", conclut, amusé, l’astronome.