Lundi, un scientifique chinois a affirmé avoir fait naître les premiers bébés génétiquement modifiés : deux jumelles dont l'ADN a été modifié pour résister au virus du sida. Une annonce vue par de nombreux chercheurs comme un acte "dangereux" et "irresponsable". Une enquête a été ouverte en Chine pour vérifier ses dires. Pour Axel Kahn, généticien et ancien membre du Comité national d'éthique, cette annonce, si elle est avérée, est une "folie" dont les conséquences peuvent être lourdes, a t-il estimé, au micro de Matthieu Belliard.
Un chercheur chinois confirme qu'il a bien créé les premiers bébés OGM au monde
Le scientifique, qui a réagi mardi à l'annonce de la naissance des bébés génétiquement modifiés par une tribune sur Facebook, se montre d'abord prudent quant à la véracité de cet acte. "Il s'agit juste d'une annonce sur YouTube, et pas d'un article scientifique comme [cela est fait] habituellement", prévient Axel Kahn qui concède : "cela étant dit, c'est plausible".
Réécrire des portions de génome. Le chercheur chinois a expliqué avoir employé la technique Crispr-Cas9, dite des ciseaux génétiques, permettant d'enlever ou de remplacer des parties indésirables du génome humain. "Jusqu’à présent, ce que l’on savait faire c’est rajouter des bouts de gènes", explique Axel Kahn. "Avec le système Crispr-Cas9, on arrive à réécrire véritablement des portions de génome. Et c’est ce qui a été fait ici. En l’occurrence, il n’a pas vraiment réécrit, il a inactivé un bout de génome, afin de faire cesser la synthèse d’une protéine qui est indispensable à l’infection des cellules par le virus VIH", détaille le généticien.
"Ce sont des bébés qui ne sont pas malades et n'ont rien demandé à personne". "C’est une folie de toute façon", prévient toutefois Axel Kahn. "Une folie parce que c’est une expérimentation de première intention sur l’humain. Ce scientifique essaie de faire naître des bébés génétiquement modifiés qui ne sont pas malades (...) qui n’ont rien demandé à personne", poursuit-il. "On sait très bien que l'outil Crispr-Cas9 peut entraîner des modifications ailleurs qu’à l’endroit où l’on veut effectivement introduire des changements. Et des modifications par conséquent aux effets potentiellement inconnus et délétères". Le généticien s'inquiète aussi de la transmission de cette modification aux générations futures et tacle le scientifique chinois : " Il a l’impression de préparer l’humain à un environnement futur dont il ne connaît rien".