C'est un cri d'alarme qu'il a lancé vendredi matin sur Europe 1. Pour Pascal Canfin, directeur de WWF France, "la biodiversité est en train de disparaître en France". Alors que vendredi le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, doit annoncer son plan en faveur de la biodiversité, le responsable associatif s'inquiète ainsi des menaces qui pèsent sur les animaux de notre quotidien qui disparaissent peu à peu, dans l'indifférence. Car si dans le monde depuis 40 ans, 60% des animaux sauvages ont disparu, la France n'est pas épargnée. Europe 1 vous fait découvrir ces cinq animaux qui nous sont familiers et que, pourtant, vous pourriez ne plus voir dans votre jardin dans les prochaines décennies.
L'abeille domestique. Des pots de miel dans les rayons des supermarchés, une hausse du nombre de ruches dans nos villes… ces signaux ne doivent pas nous tromper. L'abeille domestique se meurt en France et à l'étranger. L'apis mellifera, de son nom latin, a en effet subi une véritable hécatombe ces dernières années. Chaque année, des ruches toujours plus nombreuses périssent et doivent être remplacées, indique sur son site l'Union nationale de l'apiculture française. Et cette année ne déroge pas à la règle. En avril dernier, l'Unaf s'était alarmée d'avoir reçu de nombreux appels d'apiculteurs déplorant une mortalité importante de leurs abeilles en sortie d'hiver.
Les apiculteurs mais aussi des scientifiques dénoncent les pesticides et notamment les néonicotinoïdes utilisées depuis 1995 dans l'Hexagone par les agriculteurs.
La conséquence est évidemment économique : depuis 20 ans, la production de miel a chuté de moitié en France, obligeant l'importation de miels étrangers à la traçabilité parfois douteuse. L'autre impact, beaucoup plus grave, est, lui, environnemental. Les abeilles jouent un rôle dans la pollinisation de beaucoup de végétaux. Or, 35% de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes, dont les abeilles et les bourdons sont les champions, explique le ministère de l'Ecologie sur son site.
Le ver de terre. Il existe en France 150 espèces de ver de terre. Mais une, l'allolobophora rosea, est menacée de disparaître de nos jardins. Selon Libération, sa population aurait été divisée par quatre en 40 ans. La raison de ce recul serait l'agriculture intensive qui abuse de pesticides, de produits phytosanitaires et n'utilise pas assez les jachères. La disparition de cet animal invisible, puisque vivant dans la couche supérieure de la terre, ne vous inquiète pas ? Le lombric est pourtant un chaînon indispensable de la biodiversité.
Le ver de terre en se déplaçant avale la matière organique (feuilles et branches décomposées par exemple) et ses déjections sont ensuite une excellent engrais. En creusant des galeries, il permet aussi à l'eau de pluie de s'infiltrer plus facilement dans le sol. Autrement dit, si votre jardin se recouvre de flaques dès qu'il pleut, c'est que les vers de terre sont en train de déserter votre terrain. "La diminution des vers de terre, ça ne fait pas la une des journaux. Cependant, c’est tout aussi grave que le réchauffement climatique. Il faut alerter sur l’importance de préserver la nature sous cette forme qui est proche de nous, mais que la plupart du temps nous ignorons parce que ça marche tout seul", alertait le célèbre astrophysicien Hubert Reeves en mars dernier.
La chauve-souris. Là aussi, c'est une hécatombe silencieuse qui se met en oeuvre. Pas parce qu'elle se passe sous terre mais parce qu'elle concerne le monde de la nuit. Sur les 34 espèces de chauves-souris que compte la France, 16 sont menacées. En dix ans seulement, 38% de leurs effectifs ont disparu, selon l'Observatoire national de la biodiversité. Or, elles jouent un rôle d'insecticide naturel très efficace, se nourrissant uniquement d'insectes. Appréciable en été quand les moustiques nous mènent la vie dure.
En cause, la disparition de ses habitats traditionnels : les combles de nos maisons (mieux isolés, donc, moins accessibles) et les vieux arbres décimés par la déforestation. En outre, elles se nourrissent d'insectes. Or, ces derniers ont disparu pour 80% d'entre eux ces 30 dernières années.
Le lapin de Garenne. Deux longues oreilles et un derrière blanc, le lapin de Garenne est facilement reconnaissable quand on le croise. Mais, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature, on devrait de moins en moins apercevoir cet animal, souvent perçu comme un nuisible. En 2015, la mairie de Paris a même organisé une chasse pour en finir avec la prolifération de ce mammifère dans le bois de Boulogne. Pourtant, à l'échelle nationale, il a été placé fin 2017 sur la liste rouge des espèces quasi-menacées. La raison en est simple : son habitat naturel aussi est en voie de disparition. L'agriculture et son utilisation de parcelles toujours plus nombreuses et plus grandes est son ennemi numéro un. Problème, le lapin de Garenne est un maillon très important de la chaîne alimentaire : il est en effet une nourriture de base pour d'autres animaux comme l'aigle de Bonelli, le hibou Grand Duc ou le lynx ibérique.
De l'alouette au moineau. On prend plaisir à écouter leur chant ou leurs simples pépiements et l'hiver, on remplit avec plaisir des mangeoires de graines de tournesol. Mais ce geste destiné à les aider face au rude hiver pourrait ne pas suffire pour les sauver. La Ligue de protection des oiseaux a confirmé en mars dernier la baisse des effectifs des oiseaux vivant en milieu agricole : moins un tiers en 15 ans. Manque de nourriture, raréfaction de l'habitat et pesticides sont pointés du doigt.
L'alouette des champs est ainsi devenue une espèce "quasi menacée", sa population ayant été divisée par deux depuis 1980. Nichant et cherchant sa nourriture au sol, elle vit particulièrement mal l'extension de pratiques agricoles de plus en plus agressives pour la biodiversité. Mais en 2016, d'autres oiseaux familiers de nos jardins ont fait leur apparition sur la liste rouge des oiseaux nicheurs en France : le chardonneret élégant, le bouvreuil pivoine et le verdier d'Europe. Dans les espaces verts des villes aussi, les oiseaux sont menacés : à Paris, en 14 ans seulement, la population du moineau domestique a reculé de 73%.