Des crèmes à l'acide hyaluronique aux liftings en passant par les remèdes de grands-mères, les hommes cherchent sans cesse à freiner le vieillissement de leur propre corps. Voire même à rajeunir. Si ce n'est pas encore d'actualité pour les humains, les souris d'un laboratoire du Salk Institute of Biological Studies de San Diego (en Californie) ont vu leur espérance de vie largement augmenter grâce à une manipulation génétique, comme le détaille une publication de la revue scientifique Cell, jeudi.
- Acte 1 : des cellules souches capables de reprogrammer d'autres cellules
Le chercheur japonais Shinya Yamanaka a développé quatre facteurs destinés à reprogrammer des cellules adultes, baptisées "cellules souches pluripotentes induites" (IPS). Ces cellules modificatrices soulèvent de grands espoirs dans le domaine de la thérapie génique et de la médecine régénérative depuis dix ans parce qu'elles apparaissent comme une alternative aux cellules souches embryonnaires. Une découverte qui a valu au chercheur le prix Nobel de médecine en 2012.
Seule ombre au tableau, ces cellules ont tendance à se multiplier de manière anarchique dans n'importe quelle cellule de l'organisme à la manière d'un cancer. La méthode, bien que révolutionnaire, méritait donc un approfondissement.
- Acte 2 : des souris en pleine cure de jouvence
L'équipe de Juan Carlos Izpisua Belmonte du Salk Institute of Biological Studies de San Diego et des scientifiques espagnols s'en sont chargés. Ils ont repris les mêmes principes que Shinya Yamanaka mais en éliminant l'effet tumoral des cellules initiales avec en bonus un effet cure de jouvence. Un processus mis au point grâce à plusieurs manipulations effectuées sur des souris.
Un groupe de souris présentant les symptômes de la progeria, une maladie qui provoque un vieillissement accéléré, a été croisé avec un autre groupe qui présentait les quatre facteurs découverts par Yamanaka uniquement lorsqu'on leur donnait à boire un antibiotique spécifique. Après de nombreux tests sur cette lignée de souris génétiquement modifiée, les chercheurs ont trouvé le dosage parfait de l'antibiotique pour contrer les effets de la maladie.
Les résultats ont été spectaculaires puisque les rongeurs ont vu leur espérance de vie passer de 18 à 24 semaines. De plus, ces souris ont présenté des capacités de régénération égales à celles de leurs congénères d'un an plus jeunes.
- Acte 3 : un processus possible pour les hommes ?
Biologiquement, cela semble tout à fait possible comme l'ont montré des cultures de cellules humaines soumises au même traitement que les souris. Mais cela induirait de manipuler le génome des bébés. Une marche que les chercheurs ne sont pas prêts à franchir. En revanche, ces recherches pourraient être appliquées dans le domaine du rajeunissement des tissus ou des certains organes comme la peau, les muscles ou le système cardio-vasculaire. Juan Carlos Izpisua Belmont imagine, dans son étude, des crèmes ou des injections qui pourraient faire l'objet d'essais cliniques "d'ici une dizaine d'années".
Mais pour Elizabeth Blackburn Prix Nobel de médecine 2009 et présidente du Salk Institute, "on ne rallongera pas pour autant notre durée de vie maximum. Au mieux, on évitera certaines maladies, ce qui n’est déjà pas si mal", estime-t-elle auprès du Monde. "Mais nous n'irons pas tous à 140 ans…"