Comment retrouver des traces de l'homme de Néandertal ? Dans les restes de repas expulsés par les grands carnivores qui les ont savourés il y a quelque 40.000 à 50.000 ans, selon une étude publiée dans la revue Paleo.
D'abord considérées comme des dents d'animaux. En fouillant le site des Pradelles à Marillac-le-Franc en Charente, des archéologues ont découvert que des dents qui étaient identifiées comme des dents de lait de bovidés ou de cervidés étaient des dents humaines. Ces dents, selon les chercheurs, sont passées par le tube digestif de grands carnivores. Du fait de l'attaque par l'acidité et les enzymes des sucs gastriques, "ces dents néandertaliennes ne ressemblaient pas à des dents humaines, les chercheurs les attribuaient à des bovidés ou des cervidés", explique Bruno Maureille, paléontologue et coauteur de l'étude.
Seul l'émail a résisté. Pour arriver à ces conclusions, l'équipe internationale a étudié les modifications morphologiques que les dents ont dû subir depuis la mort de leur propriétaire. Ils ont également pu définir un certain nombre de critères qui permettront à l'avenir de les identifier facilement. L'émail dentaire est la partie la plus résistante du corps humain, "le reste à totalement disparu pendant le processus de digestion des carnivores", explique le paléontologue. "Il peut y avoir des dents humaines partiellement digérées dans tous les gisements entre le début de l'histoire de la lignée humaine et la fin de l'existence des grands carnivores (tels que l'Hyène des cavernes, ndlr) il y a moins 12.000 ans", juge le directeur de recherches au CNRS. Ce qui permettrait d'enrichir le nombre de fossiles humains dont les chercheurs manquent cruellement.
"Des hommes mangeurs d'hommes". Le site dont proviennent les dents étudiées est "unique, très spécialisé" car il servait uniquement de "boucherie" pour les hommes de Néandertal qui n'y vivaient pas. "Les hommes y apportaient les carcasses de rennes pour les traiter et en extraire un maximum de ressources", explique l'archéologue qui a fouillé le site pendant plus de 10 ans. Mais les rennes n'étaient pas les seuls à passer ici à la découpe : "on suppose que les néandertaliens apportaient certains de leurs contemporains dans ce gisement pour les découper" comme les autres animaux. Puis si par hasard, "les hommes mangeurs d'homme n'emportaient pas tout (...) les carnivores arrivaient et 'charognaient' ce que les hommes laissaient", explique le chercheur. Et l'homme de Néandertal était au goût des grands carnivores, "le site a livré plus d'une quinzaine de dents digérées", explique Bruno Maureille.