44 missions en 60 années. Voilà le bilan de la conquête martienne par les humains. Et la dernière en date, nommée Exomars 2016, va franchir une étape mercredi. Après avoir parcouru 500 millions de kilomètres, le module Schiaparelli va en effet toucher la surface de la planète rouge après avoir été largué dimanche par la sonde Trace Gas Orbiter (TGO). Le défi est de taille pour l'Agence spatiale européenne (ESA) qui n'a jamais réussi à poser un engin sur Mars.
Un robot européen au nom italien à bord d'une fusée russe
C'est le 14 mars dernier que TGO et le module Schiaparelli ont quitté la Terre à bord d'une fusée à Baïkonour, dans le Kazakhstan. La particularité de cette mission ? Elle est le fruit d'une collaboration entre agences spatiales. C'est en effet à bord d'un lanceur russe Proton que la mission Exomars 2016 a pu s'élancer. La collaboration avec Roskosmos avait cependant de quoi inquiéter l'Agence spatiale européenne (ESA), instigatrice du projet. Depuis 2012, les fusées Proton ont connu quatre échecs dont une explosion en 2013.
Et pour nommer le petit module qui analysera la surface martienne, c'est un astronome italien qui a été retenu. Mais pas n'importe lequel. Giovanni Schiaparelli, qui a longuement scruté Mars au 19e siècle, a été le premier à y voir des canaux. Si à l'époque, l'opinion publique s'était emballée, imaginant l'existence d'une autre civilisation, le prudent scientifique, lui, ne s'était jamais avancé sur l'origine de ces reliefs.
Il risque sa peau durant l'atterrissage
Schiaparelli, qui chute depuis trois jours en direction de Mars, arrivera mercredi à 120 km de la surface où il rentrera dans l'atmosphère. Sur le site d'atterrissage sélectionné, aucun danger à noter. Méridiani Planum, situé dans l'hémisphère sud, est bien connu puisqu'il a été exploré par le rover américain Opportunity en 2004.
#ExoMars Schiaparelli lander @ESA_EDM has separated from @ESA_TGO & is on its way to #MarsLanding 19Oct. Stay tuned: https://t.co/E7BXd0bqa4pic.twitter.com/J1BxvN7jcx
— @ESA_ExoMars (@ESA_ExoMars) 16 octobre 2016
Le vrai danger se trouve en fait dans le contexte martien actuel. Schiaparelli débarque en effet sur la planète rouge en pleine saison de tempêtes. Pour autant, sur cette planète, comme la pression est très faible, des vents de 100 km/h s'apparentent à des vents terriens de 1 km/h. De quoi relativiser, selon l'ESA. Mais le moindre grain, même microscopique peut cependant enrayer le bon fonctionnement du module.
Il est (sur)armé pour atterrir
Les ingénieurs de l'ESA, pour équiper Schiaparelli, ont appliqué tout ce qu'ils ont appris des échecs de Beagle 2. Si ce module envoyé sur Mars en 2003 a été largué avec succès par la sonde Mars Explorer, il a été perdu lors de sa descente. Un échec cuisant pour l'Europe alors que les États-Unis, eux, comptent aujourd'hui deux appareils sur la planète, Opportunity et Curiosity, arrivés respectivement en 2004 et en 2012, tous les deux encore en activité.
A parachute for #Mars on show at #openESTEC - @ESA_ExoMars entry, descent & landing module, Schiaparelli @ESA_EDMhttps://t.co/MCSrWau94dpic.twitter.com/osjdALgowY
— ESA (@esa) 4 octobre 2016
Résultat, Schiaparelli, qui pèse pas moins de 600 kg, a donc été surarmé pour réussir sa descente et son atterrissage. Au point de ressembler à "une piscine gonflable pour bébé", estime Michel Denis, directeur des opérations en vol d'ExoMars 2016. En plus solide bien sûr. Il est ainsi équipé d'une structure écrasable en aluminium, destinée à amortir le choc avec la surface.
Just 6 days to #Marslanding. Read about @ESA_EDM's design & which technologies it'll test & demonstrate for future https://t.co/WOHQXWeZDkpic.twitter.com/ipFek1TM7E
— @ESA_ExoMars (@ESA_ExoMars) 13 octobre 2016
Mais la descente elle aussi a nécessité des équipements particuliers. Lâché à 21.000 km/h, Schiaparelli devra rétrograder à moins de… 15 km/h. D'abord, un bouclier thermique de 2,40 mètres le protègera de l'échauffement né du contact avec l'atmosphère et le ralentira. Arrivé à 11 km de la surface, la vitesse du module, qui fait deux mètres et demi de large, devra être de 1.650 km/h. Un parachute s'ouvrira alors pour le ralentir encore plus. Puis, neuf rétrofusées se déclencheront à environ 1 km de la surface. Pour finir, les moteurs seront coupés à 1 ou 2 mètres du sol avant l'impact final prévu à 16h42. Si tout se déroule bien, à 16h52, Schiaparelli enverra son premier signal radio vers la Terre via la sonde TGO.
Il n'est qu'un ballon d'essai
Doté de batteries non rechargeables, le robot Schiaparelli ne fonctionnera que de 2 à 4 jours. Et pour cause, sa mission première n'est pas d'explorer mais seulement de tester l'entrée dans l'atmosphère martienne. L'objectif est en effet de préparer le terrain à un deuxième robot qui sera envoyé en 2020 toujours dans le cadre de la mission Exomars.
Ce futur module qui arrivera sur Mars en 2021 sera beaucoup plus performant. D'un poids de 300 kg et doté de neuf instruments, il sera capable de se déplacer et de forer jusqu'à deux mètres de profondeur alors que les rovers actuels ne creusent qu'à quelques centimètres. Il se posera de plus sur un terrain très vieux (3,9 milliards d'années) et riches en sédiments, ayant accueilli un lac ou un océan dans le passé. Prometteur.
Il va quand même un peu travailler
Si Schiaparelli n'est qu'un module expérimental, il a quand même un carnet de tâches à assurer. Dès son entrée dans l'atmosphère martienne, ses capteurs vont enregistrer des données sur la pression, la températures ou encore la vitesse des vents. Puis, une fois au sol, il fera fonctionner MicroARES, un de ses instruments. L'objectif ? Mesurer le champ électrique de la surface pour déterminer son rôle dans les tempêtes martiennes.
Et la sonde TGO dans tout ça ? La mission de la sonde européenne ne s'arrête pas au largage de Schiaparelli sur Mars. Placée en orbite, elle va en effet commencer un travail d'analyse. Plus précisément, elle "reniflera" l'atmosphère pour détecter des gaz, notamment du méthane, dont la présence a déjà été relevée à plusieurs reprises sur la planète mais toujours en faible quantité. Le méthane est principalement d'origine biologique sur Terre. Il pourrait sur Mars être le reliquat d'une ancienne forme de vie.