Ce n'est ni un animal, ni un végétal, ni un champignon. Surnommé "le blob", le Physarum polycephalum apparaît comme une exception dans la nature. Cette espèce, qui se présente sous la forme d'une mousse jaune et vit dans les forêts à l'abri du soleil, défie les lois de la biologie par son caractère inclassable et ses propriétés surprenantes.
C'est presque par hasard qu'Audrey Dussutour, une chercheuse toulousaine du CNRS spécialiste de fourmis, fait la connaissance du blob en 2008 en Australie. Commence alors une longue phase d'observation, qui se soldera par la publication d'un ouvrage dédié à cet être primitif si particulier. Paru à la fin du mois d'avril, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander fait le point sur ce que la science sait de cette créature.
J'ai eu l'occas de filmer à la fac ce fameux "blob" dont tous les sites sciences fr parlent en ce moment, et c vrai que c'est totalement ouf pic.twitter.com/4GrSDLLZKc
— Dr Nozman (@DrNozman) 26 juin 2017
Un organisme doté d'un système veineux. "L'amoebozaire, plus connu sous le nom de blob, est connu depuis longtemps. Cependant, jusque dans les années 1970, il était considéré comme un type de champignon. Ce n'est qu'à la suite d'un fait divers que les scientifiques vont commencer à s'intéresser à son comportement et remarquer sa particularité" récapitule Audrey Dussutour, jointe par Europe1.fr.
Le fait divers en question ? En 1973, une femme résidant au Texas découvre dans son jardin une énorme masse jaune semblable à une éponge. Appelés, les policiers tentent de la découper, de la brûler et même de lui tirer dessus, sans succès. Le lendemain, la masse a doublé. Sa taille évolue jusqu'au jour où elle... disparaît, purement et simplement. Si certains sont persuadés que la chose est d'origine extraterrestre, les scientifiques découvrent rapidement que c'est un blob, un organisme existant depuis des millions d'années et alors considéré comme un champignon.
Les expériences menées par les chercheurs, jusqu'alors rares, vont se multiplier et révéler que le blob ne peut finalement pas être assimilé à un être vivant déjà connu. "On savait déjà qu'il existait certaines espèces difficilement classables. Cependant, ces dernières étaient à chaque fois des organismes microscopiques. Ce qui a étonné les chercheurs avec le blob, c'est le fait qu'il soit énorme alors qu'il n'est composé que d'une cellule. Ses cousins n'ont pas sa taille si conséquente", explique Audrey Dussutour.
Voici le "blob", la nouvelle star du web ✌️https://t.co/KOn8s3ktbkpic.twitter.com/z8rIydBHOa
— franceinfo plus (@franceinfoplus) 26 juin 2017
L'organisme en question semble être dégourdi. En effet, il peut se diviser en plusieurs blobs et doubler de volume tous les jours lorsqu'il est bien nourri. Par ailleurs, il cicatrise en moins de deux minutes. Enfin, il se déplace à une vitesse lui permettant de parcourir jusqu'à quatre centimètres par heure en rampant.
Pour la chercheuse, "le blob possède deux caractéristiques qui le rendent si intéressant et particulier : le fait qu'il ait un système veineux et sa taille, qui permet une observation à l'œil nu. "
Pas de cerveau mais une capacité d'apprentissage. Tout comme dans une cellule, on ne retrouve ni système nerveux ni cerveau dans la composition du blob. "Cependant, il a été prouvé que cet organisme a des capacités" ajoute Audrey Dussutour.
"Le blob est notamment capable d'apprendre et de résoudre des problèmes complexes comme des labyrinthes" précise la spécialiste. "Par ailleurs, comme le montre une étude parue en décembre dans Proceedings of the Royal Society B, cet organisme est capable de transmettre ce qu'il a appris en fusionnant avec ses semblables" poursuit-elle.
Ce n'est pas tout : bien qu'il ne soit doté ni d'un système nerveux ni d'un système digestif, le blob est également capable de se nourrir de manière optimale et pertinente. En effet, en 2010, une étude dirigée par la chercheuse et publiée dans la célèbre revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America) a révélé que si on proposait aux blobs différents repas, ces derniers se dirigeaient vers ceux dont la teneur en protéines était la plus élevée.
Plus surprenant encore, le blob semble être doté d'une personnalité. Comme l'explique Audrey Dussutour dans son ouvrage, l'Américain est plutôt "agressif", tandis que l'Australien paraît plus "pacifique". Le Japonais aurait même une "tendance à la procrastination" !
D'où vient le surnom de "blob" ?
A l'origine, le terme "blob" est un nom propre créé par Irvin S. Yeaworth Jr à l'occasion de la réalisation de son film éponyme, The Blob (arrivé en France sous le nom Danger Planétaire). Dans cette œuvre mêlant horreur et science-fiction, le Blob est un extra-terrestre géant et gluant semant la terreur dans une petite ville de l'état de Pennsylvanie, aux Etats-Unis.
C'est en référence à cet être gluant qu'Audrey Dussutour a décidé de rebaptiser l'amoebozaire "blob". Dans une interview accordée en décembre dernier à La Dépêche, la chercheuse avait expliqué plus précisément ce choix : "A Toulouse, il n'y a que moi qui l'appelle comme ça. Je suis une grosse cinéphile et j'avais vu ce film avec Steve McQueen où l'on voit cette cellule qui double de taille tous les jours. "