Comment rattraper le retard dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Selon l’Onu, l’écart entre les promesses politiques de limitation des émissions de gaz à effet de serre et les réductions réellement engagées est "catastrophique". "Les engagements actuels des Etats couvrent à peine un tiers des réductions d'émissions nécessaires, creusant un écart dangereux" annonciateur de grands dérèglements (canicules, inondations, super-ouragans…), a souligné mardi Erik Solheim, directeur du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE).
En l’état actuel des engagements, le mercure augmentera de 3°C d'ici 2100, alors que la plupart des pays de la planète s’est engagée à contenir cette hausse à moins de 2°C. Comment réagir ? Face à la difficulté de réduire les émissions de gaz à effets de serre, certains scientifiques tentent de trouver des solutions alternatives. Aspiration du CO2 de l'atmosphère, création de miroirs spatiaux renvoyant le rayonnement solaire, blanchiment des nuages… Europe1.fr fait le tour d’horizon de ces recherches, des plus crédibles aux plus folles.
LES PLUS PISTES LES PLUS CREDIBLES : LES TECHNIQUES DE CAPTATION DE CO2
Des aspirateurs à CO2. "Il est devenu très clair que parvenir aux 2°C, et plus encore à 1,5°, dépendra beaucoup de notre capacité à extraire de grandes quantités de CO2 de l'atmosphère", assurait début octobre Naomi Vaughan, climatologue à l'Université d'East Anglia (Grande-Bretagne), lors d’une conférence de géo-ingénierie organisée à Berlin. Le Giec, groupement d’experts mondial sur le climat, partage cet avis. Tout comme l’ONU, qui incite à développer la recherche concernant ces "émissions négatives", soit le fait de retirer du CO2 de l’atmosphère.
Or, des expériences scientifiques ont montré qu'il était possible d'aspirer le CO2, pour le transformer en granulés ou le stocker sous terre. Une entreprise canadienne, cofinancée par Bill Gates et l’Etat canadien, a notamment lancé en 2015 une usine pilote en la matière. Grâce à une machine qui ressemble à un mur de ventilateurs géant, munie d’alvéoles et de filtres de résine plastique imprégnée de carbonate de sodium, l’entreprise, fondée par un climatologue canadien, a réussi à stocker et transformer du dioxyde de carbone polluant en un combustible non polluant. Les inventeurs pensent pouvoir filtrer l’équivalent des émissions de 300.000 voitures.
Mobile, la machine pourrait venir en appui d’autres initiatives dans des endroits particulièrement pollués. Principal obstacles à sa réalisation ? Son coût prohibitif. La simple installation de l’usine pilote a nécessité un investissement de 200 millions de dollars (172 millions d’euros). Une start up suisse a également mis au point récemment une machine similaire (image ci-dessous)… qu’elle espère, elle, rentabiliser en revendant le CO2 qu'elle capte.
A Swiss company aims to capture 1 percent of global annual CO2 emissions from the atmosphere by 2025, compressing… https://t.co/WiUQViJ5bdpic.twitter.com/lomg2nSJPB
— Mima (@jmarzorati) 31 mai 2017
Booster l’érosion des roches avec du sel. L'érosion naturelle des roches fait partie des autres pistes privilégiées des scientifiques. Ce processus chimique naturel permet le pompage de CO2 dans l'atmosphère (environ un milliard de tonnes par an, soit 2% des émissions d'origine humaine). Et certains chercheurs du monde entier assurent que l’on peut intensifier le processus, notamment en dispersant dans la nature de l'olivine, une forme de sel, sous forme de poudre. Le hic : il paraît difficile et coûteux d'extraire de l'olivine en quantité suffisante pour faire la différence. Si ce procédé semble crédible à mettre en œuvre, il sera donc loin de suffire pour une captation à grande échelle.
Miser sur les biocarburants. Les BECCS (Bioénergies avec capture et stockage de carbone), techniques qui marient un processus naturel avec la high tech, sont également mis en avant par de nombreux chercheurs. Il s’agit de planter du maïs, de la canne à sucre ou toutes sortes de plantes à bio-carburants de seconde génération, et de les munir de capteurs. En poussant, les plantes absorbent du CO2. Puis il existe ensuite un moyen de capturer le CO2 quand ces plantes sont transformées en carburants. En clair, les plantes absorberaient le CO2, elles ne le recracheraient jamais dans l’atmosphère. Le carburant qui en est issu pourrait alors remplacer le pétrole. Quasiment toutes les études des climatologues confient un rôle-clé aux BECCS. Problème, et pas des moindres : il faudrait consacrer 40% des terres cultivables à la culture de ces plantes. En outre, la technologie nécessaire représenterait… un investissement mondial d’environ 130 milliards de dollars par an à partir de 2050.
La plantation massive d'arbres - qui stockent le CO2 - est elle aussi considérée comme faisant partie des méthodes d'élimination du dioxyde de carbone. Mais là encore, ces arbres accapareraient des terres à usage agricole. Il faudrait, en effet, augmenter la surface mondiale des forêts de 970 millions d'hectares pour avoir un réel impact, soit l’équivalent d’un quart de surfaces supplémentaires.
Recouvrir les sols de charbon de bois. Autre piste : utiliser du charbon de bois pilé, produit à partir de débris de bois, résidus forestiers ou coquilles de noix. Utilisé pour restaurer les sols, il peut aussi stocker du CO2, assuraient les scientifiques présents début octobre à Berlin. Mais la recherche est encore embryonnaire en la matière et il n'est pas certain que l'on puisse appliquer cette technique à grande échelle, et que ce composé soit suffisamment stable.
LES PISTES LES PLUS FOLLES : DES TECHNIQUES POUR MODERER L’IMPACT DU SOLEIL
D’autres techniques de géo-ingénierie actuellement à l’étude ont pour but de… renvoyer certains rayons dans l'espace pour diminuer la chaleur nous arrivant du soleil. Un moyen serait par exemple de placer en orbite des miroirs géants capables de dévier une partie du rayonnement solaire. Autre méthode, qui s'inspire de l'impact des cendres volcaniques sur la température mondiale : injecter de minuscules particules réfléchissantes dans la stratosphère. Des expérimentations sont prévues en Arizona dès l'automne 2018. D'autres chercheurs œuvrent à modifier les nuages : en accentuant leur blancheur pour renvoyer les rayons, ou encore en amincissant les cirrus qui absorbent plus de chaleur qu'ils n'en renvoient.
Bémol de taille à toutes ces techniques : elles ne changeraient rien aux concentrations de CO2 dans l'atmosphère, qui, en plus de réchauffer la température, acidifient dangereusement les océans et modifient le régime des pluies. Les scientifiques mettent aussi en garde contre un "choc terminal" : un réchauffement soudain si le système devait ne plus fonctionner.
Les effets secondaires - réels ou supposés - de ces techniques "risquent aussi de provoquer des conflits", ajoutait début octobre Myles Allen, qui dirige le groupe de recherche sur le climat de l'Université d'Oxford. "Les pays victimes d'une sécheresse pourraient par exemple accuser quiconque utilise le contrôle du rayonnement solaire d'en être responsable", poursuivait-il. Une source potentielle de conflit, sur laquelle personne n’a encore jamais vraiment osé investir massivement.