La mission Rosetta autour de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko touche à sa fin. Après presque deux ans de bons et loyaux services, la sonde de la Station spatiale européenne (ESA) va se crasher vendredi sur "Tchouri" aux alentours de 12h38 heure de Paris. Il faudra ensuite 40 minutes pour que la Terre soit informée.
Désormais trop loin du Soleil pour faire fonctionner ses panneaux solaires, elle ne peut en effet plus poursuivre son travail d'analyse. Mais si l'envoi du robot de Philae s'est soldé par un échec, la récolte de données par Rosetta a en revanche été très bonne. Europe 1 fait le bilan sur cette mission exceptionnelle qui a révolutionné nos connaissances sur les comètes mais aussi sur l'apparition de la vie dans l'Univers.
Du sable et de la glace. Premier apport majeur de la mission Rosetta, lancée en 2004, elle a remis en cause ce que les scientifiques avaient supposé sur les comètes. Soupçonnées d'être juste des boules de glace sale, désormais grâce à l'exploration de Tchouri, "on ne pense plus du tout ça", estime Alain Cirou, consultant espace d'Europe 1 et rédacteur en chef du magazine Ciel et Espace. La comète explorée par la sonde européenne est en effet plutôt "un paquet de sable glacé". "Ce qui est très très original, c'est que c'est un agglomérat de grains minuscules, plus noirs que le charbon, le tout étant très léger car il y a de la glace d'eau piégée par ces mêmes grains", explique le spécialiste.
Deux éléments clefs pour la vie. Comme Tchouri a fondu au fur et à mesure qu'elle se rapprochait du Soleil, Rosetta grâce à ses dix instruments embarqués a pu photographier et analyser le fruit de ses dégazages. Gaz et geysers ont réservé des surprises aux scientifiques. Deux des molécules découvertes sont même des éléments clefs pour l'apparition de la vie : la glycine, un acide aminé, et du phosphore, un élément clé de l'ADN. Pour Alain Cirou, ces trouvailles font de la comète "un objet précieux". Mais pour quelle raison ? "On sait que les comètes sont nées en périphérie du nuage protosolaire (à l'origine de la formation du système solaire, ndlr)" mais la nouveauté apportée par la mission Rosetta, c'est que "ces comètes sont porteuses d'un matériel primitif", des sortes de "messagers du cosmos porteurs d'une chimie complexe", détaille Alain Cirou.
Le cosmos, des ressources insoupçonnées. Qu'est-ce que ces découvertes changent pour nous, Terriens ? Pas grand chose puisque le scénario de l'origine de la vie sur Terre n'est en rien modifié : comètes et astéroïdes ont bombardé la Terre dans sa petite enfance, y apportant tous les ingrédients pour que des organismes vivants se développent dans les océans. "C'est comme une recette de cuisine", explique Alain Cirou. "On a d'un côté la farine, les œufs, l'huile… ce qu'ont apporté les comètes. Et le cuisinier, représenté par la Terre, a permis la confection du gâteau : la vie". Mais la mission Rosetta a permis de confirmer que "le cosmos a fabriqué naturellement ces ingrédients il y a plus de 5 milliards d'années" lorsque les comètes sont apparues. Une révolution, estime le spécialiste. Car si le cosmos sait fabriquer tout seul comme un grand de la matière utile à la vie, il y a de quoi espérer que la vie existe ailleurs, sur une autre planète.
Et la suite ? En plus des masses de données récoltées par Rosetta qu'il reste à analyser, les scientifiques attendent beaucoup de la mission Osirix-Rex lancée le 9 septembre dernier par la Nasa. Cette sonde doit rejoindre en août 2018 la comète Bennu qui tourne autour du soleil en 1,2 année. Après avoir fait un travail d'analyse sensiblement proche de celui de Rosetta avec Tchouri, elle devra se rapprocher de Bennu pour y prélever des échantillons. Retour prévu sur Terre en 2023 avec la précieuse cargaison. "C'est une quête permanente", souligne Alain Cirou. Et aussi un moyen de rattraper ce que le robot Philae, largué sur Tchouri par Rosetta en novembre 2015, n'a pas pu faire. Ayant atterri dans une zone trop peu ensoleillé pour faire fonctionner ses panneaux solaires, il n'a pas pu creuser comme prévu le sous-sol de la comète. Pas vraiment un échec au vu de la réussite époustouflante de la mission dans son ensemble. De quoi encourager l'ESA à remettre le couvert ? "Elle ne décidera qu'en fin d'année si elle se lance ou non dans une mission vers un astéroïde", indique le spécialiste.