Pour la première fois, l'humanité va coller son oreille contre le sol de Mars pour écouter les frémissements de ses entrailles. À 11h47 heure de Californie (20h47 en France) lundi, l'atterrisseur InSight pénètrera l'atmosphère de Mars pour se poser dans une grande plaine, après six mois et demi de voyage et 480 millions de km parcourus depuis son lancement par la Nasa. À son bord, se trouve un instrument valant des dizaines de millions d'euros : un sismomètre hypersensible conçu par l'agence spatiale française, le Cnes.
Une première depuis 2012. C'est la première fois depuis 2012 qu'un engin tentera de se poser sur Mars, depuis le véhicule Curiosity de la Nasa, le seul encore actif sur la planète. Seuls les États-Unis ont réussi à y poser des robots. L'URSS a écrasé plusieurs atterrisseurs, tout comme les Européens, tout récemment, en 2016. "Atterrir sur Mars est vraiment, vraiment difficile", a prévenu Thomas Zurbuchen, chef du directorat scientifique de la Nasa, l'agence spatiale américaine qui a approuvé la mission de près d'un milliard de dollars il y a sept ans (876 millions d'euros).
"Sept minutes de terreur". La descente à travers l'atmosphère durera six minutes et demie. "Lundi soir, on va vivre 'les sept minutes de terreur'", dit le patron du Cnes, Jean-Yves Le Gall, car c'est la saison des tempêtes de poussières sur Mars. Si l'atterrissage se passe bien, la confirmation pourrait arriver en quasi-temps réel. Le "bip" est attendu à 21h04 et il sera sans doute accueilli par une clameur au Jet Propulsion Laboratory à Pasadena, près de Los Angeles, le centre de contrôle de la Nasa.
Si les ingrédients de base sont identiques, pourquoi la Terre est-elle bleue, Mercure une fournaise invivable, et Mars rouge et froide, avec une atmosphère cent fois moins dense que la Terre, et sans tectonique des plaques ? Écouter l'intérieur de Mars permettra de faire le tri entre les diverses théories de la formation des planètes, toutes formées à partir des mêmes matériaux de base.
L'objectif : cartographier l'intérieur de Mars. Le sismomètre, composé en fait de six sismomètres, sera posé directement sur le sol et écoutera les plus infimes vibrations, dans une immobilité parfaite, protégé par un dôme de protection. Qu'entendra-t-il ? Les ondes de choc des météorites qui se fracassent régulièrement sur Mars, les tremblements de terre, le craquement des couches, leurs déformations, les failles sous la surface, même l'attraction créée par la petite lune Phobos. Les gigantesques volcans martiens sont éteints depuis longtemps, mais "il est possible que nous entendions le mouvement de magma, très profondément", dit Sue Smrekar, responsable adjointe de l'équipe scientifique. Les ondes écoutées aideront les scientifiques à dessiner progressivement une carte intérieure de Mars et à répondre peut-être aux questions suivantes : le noyau est-il liquide ou solide ? Quelles sont l'épaisseur et la composition du manteau et de la croûte ?