"Nous choisissons d’aller sur la Lune". Cette phrase, prononcée en 1962 par le président américain John Fitzgerald Kennedy est restée dans l’histoire comme le coup d’envoi de la bataille pour l’espace, un an après que Youri Gagarine a effectué son petit tour dans les étoiles. S’en étaient suivies sept années de duel technologique à distance entre les États-Unis et l’Union soviétique, sur fond de Guerre froide et de course à l’armement. Une bataille acharnée, qu’Europe 1 vous racontait dans ce podcast, et qui a vu le triomphe des Américains le 21 juillet 1969, quand Neil Armstrong fut le premier homme à poser le pied sur la Lune.
Replongez dans l’épopée de la conquête spatiale, racontée par Fabrice d’Almeida dans Au cœur de l’histoire.
Un demi-siècle plus tard, l’obsession de "JFK" pour l’espace est de nouveau d’actualité. Mais cette fois, tout le monde (ou presque) la partage : les Américains et les Russes, encore eux, mais aussi les Européens et les Chinois repartent à la conquête des astres. Premier objectif : la Lune, avec des bases lunaires longtemps fantasmées. Puis, si tout se passe bien, ce sera Mars. Mais l’histoire ne retient que les vainqueurs. Qui sera le prochain pionnier de l’espace ? Petit tour d’horizon des forces en présence.
Russie : une pionnière de nouveau ambitieuse
Longtemps, la Russie fit la course en tête pour la conquête de l’espace : premier satellite artificiel avec Spoutnik en 1957, premier être vivant en orbite grâce à la chienne Laïka la même année, premier homme dans l’espace avec Youri Gagarine en 1961, première station spatiale avec Saliout, inaugurée en 1971… Mais le programme spatial russe a connu deux coups d’arrêt brutaux : la victoire des Américains dans la course à la Lune puis la chute de l’URSS, synonyme de restrictions budgétaires sévères.
Malgré tout, les Russes n’ont jamais cessé d’avoir la tête dans les étoiles. En témoigne la station Mir, qui accueillit les astronautes du monde entier de 1986 à 2000. L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine au tournant du siècle a permis de garder le programme spatial à flot, au nom de la souveraineté nationale. S’appuyant sur une croissance économique retrouvée, il regonfle les crédits de Rocosmos, l’agence spatiale russe. Résultat, la Russie a continué à envoyer des hommes dans l’espace et à lancer des satellites, pour elle mais surtout pour les autres. En effet, après le retrait du service de la navette spatiale américaine Endeavour en juillet 2011, les Russes ont été les seuls à pouvoir envoyer des équipages dans l’espace grâce à leur lanceur Soyouz.
Distancée sur le plan technologique ces dernières années, la Russie reste pourtant ambitieuse. Le Kremlin a annoncé l’an dernier "des lancements inhabités, puis habités, dans un programme lunaire et pour l'exploration de Mars" avec un calendrier serré : alunissage en 2019, installation d’un avant-poste permanent (pas voué à l'habitation de longue durée) en 2023 puis création d’une base lunaire entre 2040 et 2050. Ce projet de colonie, suspendu à l’état de santé précaire de l’économie russe, sera peut-être engagé dès 2025.
États-Unis : "Make America great… in space"
Souvent comparé à John Kennedy pour sa jeunesse et son charisme, Barack Obama ne partageait en revanche pas l’obsession de son prédécesseur pour l’espace. Sous sa présidence, l’exploration spatiale fut laissée de côté, faute de fonds suffisants à cause de la crise économique, avec un symbole : l’arrêt de l’utilisation des navettes spatiales américaines en 2011, laissant le champ libre aux Russes.
Une pause à laquelle Donald Trump compte mettre fin : "Make America great again", y compris dans l’espace. Fin janvier, on apprenait grâce à une anecdote d’un de ses anciens conseillers que le milliardaire souhaitait envoyer des hommes sur Mars le plus vite possible, promettant à la Nasa un budget illimité. C’est l’institution elle-même qui a dû clamer les ardeurs du président, évoquant des contraintes logistiques et technologiques encore trop importantes.
Donald Trump a donc revu ses ambitions à la baisse mais pas question d’abandonner. Lors de son discours sur l’état de l’Union, il a promis, en présence de Buzz Aldrin, "de renvoyer des astronautes américains dans l’espace, dans des fusées américaines, cette année". La Nasa a par la suite précisé qu’un vol non-habité aura lieu le 2 mars puis des astronautes partiront à leur tour, depuis le sol américain (une première depuis huit ans), en juillet. La Nasa utilisera les capsules Crew Dragon de SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, pour effectuer ces vols. Une révolution à moindre coût puisque les capsules de SpaceX sont conçues pour être réutilisées à leur retour sur Terre.
Les États-Unis ont toujours la Lune en ligne de mire, également comme relais vers Mars. Mais, contrairement aux Russes qui veulent s'installer directement sur la Lune, la Nasa, soutenue par l’administration Trump, planche actuellement sur le projet "Gateway", une base en orbite lunaire permettant d’accueillir des astronautes et des capsules. De là, les Américains espèrent pouvoir faciliter les allers-retours vers le satellite de la Terre et y installer des bases, étape nécessaire avant de se projeter vers Mars.
Chine : décollage d’un géant
La Chine a fait une entrée fracassante dans la course à l’espace le 3 janvier, en posant un petit robot sur la face cachée de la Lune, une première dans l’histoire de la conquête spatiale. Désormais seuls au monde à pouvoir dépenser des milliards dans ce domaine, les Chinois font de la mission Chang’e 4 la rampe de lancement de leur programme spatial. Le robot envoyé sur la Lune doit mener des études portant sur les basses fréquences radio, les ressources en minéraux et la culture des plantes.
Ces recherches doivent permettre d’engager la deuxième partie du plan de la Chine, à savoir la construction dans les prochaines années d’une base lunaire, peut-être en utilisant la technologie d’impression 3D. D’ici là, quatre autres missions lunaires sont dans les cartons, dont le lancement de Chang’e 5, un nouveau module d’exploration, avant la fin de l’année. Les dernières auront pour objectif de tester des équipements pour la construction de la future base. La Chine envisage d’y envoyer un taïkonaute (le nom des astronautes chinois) à l’horizon 2036.
Cette base lunaire servirait d’étape sur la route de Mars. L’ogre asiatique rêve d’explorer la planète rouge, et un programme sera lancé dès 2020. Pour y arriver, la Chine doit encore améliorer son lanceur. Dans un premier temps, il s’agira d’observation (analyse du sol, recherche d’eau) mais par la suite, à l’horizon 2030, les Chinois espèrent bien pouvoir ramener des échantillons de Mars, un exploit que personne n’a accompli jusqu’ici.
Europe : une conquête faite de petits pas
L’union fait la force : ce principe, qui a prévalu lors la création de l’Union européenne, s’applique également à l’Agence spatiale européenne (ESA). Créée en 1975, elle s’est surtout illustrée par des accomplissements scientifiques à ses débuts. Mais depuis le milieu des années 2000, l’Europe s’est affirmée en envoyant des hommes dans la station spatiale internationale et en construisant des véhicules capables de s’y amarrer. Point d’orgue du programme spatial européenne : Galileo, concurrent du GPS américain, déployés au cours des années 2010 et qui devrait être pleinement opérationnel en 2020.
Mais l’UE a, elle aussi, des envies d’exploration. Quelques jours après l’alunissage du robot chinois, l’Europe a confirmé son intention de rentrer dans la course à la Lune. ArianeGroup et l’Agence spatiale européenne (ESA) pour travailler de concert pour parvenir à "aller sur la Lune avant 2025". Pour l’instant, l’Europe avance avec prudence et n’envisage qu’une mission scientifique d’exploitation des roches lunaires afin d’en extraire de l’eau et de l’oxygène, deux ressources permettant d’envisager à plus long terme une présence humaine sur la Lune.
En ce qui concerne l’exploration de Mars, l’Europe a raté sa première tentative. L’atterrisseur Schiaparelli, tête de proue du programme ExoMars, devait se poser sur la planète rouge en octobre 2016 mais l’engin s’est crashé en arrivant trop vite, la faute à un capteur défaillant. Pour arriver le plus vite possible sur la planète rouge, l’Europe a donc décidé de nouer des alliances, notamment avec le Canada et la Russie. Un projet de petite station spatiale internationale, qui servirait d’avant-poste vers les étoiles, comme une zone de transit dans un aéroport, est notamment à l’étude.
Thomas Pesquet, l’atout français
En France, le visage de cette reconquête spatiale européenne est évidemment celui de Thomas Pesquet. Le Français a déjà passé sept mois dans la Station spatiale internationale de novembre 2016 à juin 2017. Très médiatique depuis son retour sur Terre, il a été sélectionné par l’ESA pour retourner dans l’espace, sans doute en 2020. Avant, pourquoi pas, d’aller faire un tour sur la Lune ?
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