La France commémore jeudi le débarquement allié du 6 juin 1944. L'arrivée des troupes alliées sur les côtes normandes avaient été le point de départ de la libération de la France, puis de la défaite de l'Allemagne nazie. Puis, la fin de la guerre avait ouvert une période de paix sans précédent pour l'Europe. Pour notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie, qui revient sur les évolutions du rôle de l'État et de l'Église depuis la libération, la France reste, sur de nombreux aspects, "fixée sur une mentalité issue de la guerre".
75 ans que l'Europe vit en paix. Cela n'était jamais arrivé. Personne, parmi les générations qui nous ont précédées, n'a connu une paix aussi importante. 75 ans de paix, cela a tout changé. La France s'est construite dans la guerre, elle a fait la guerre pendant des siècles à l'Allemagne, à l'Angleterre, à l'Italie, parfois à l'Espagne. Les mentalités françaises se sont construites dans la guerre. L'État a trouvé une place prépondérante dans la société française à cause de la guerre, parce qu'il fallait préparer le conflit, protéger le territoire, protéger la vie des gens. L'Église aussi a trouvé une place particulière dans la société, en proposant la vie éternelle, face aux souffrance et à la douleur provoquées par la guerre.
"Nous demeurons fixés sur une mentalité issue de la guerre"
75 ans de paix ont mis à bas toute cette construction sociale. La perspective de la guerre ayant disparu, les gens se sont sérieusement posé la question de savoir ce qu'ils voulaient faire de leur vie, et cela a enclenché l'immense mouvement individualiste qu'a connu l'Europe occidentale depuis 1945. L'Église a perdu la place particulière qu'elle avait dans la société, car le malheur ayant reculé, elle était moins utile. De plus, en refusant d'accepter les évolutions de la société, l'Église s'est coupée de ses fidèles.
De son côté, puisqu'il ne prépare plus la guerre, que doit faire l'État en temps de paix ? Il doit permettre aux plus imaginatifs, aux plus créatifs d'entre nous, d'innover, d’entreprendre, pour produire des richesses. Puisque nous sommes attachés aux mécanismes de solidarité face à la vieillesse et à la maladie, la question du financement de ces mécanismes est posé. Or, en France, les mentalités sont en retard sur ce point. Nous nous tournons toujours beaucoup trop vers l'État et nous sommes toujours trop méfiant envers les créateurs de richesse. Nous aimons la paix, nous profitons de la paix, mais sur des aspects essentiels, nous demeurons fixés sur une mentalité issue de la guerre. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons du profond mal-être français.