L'INFO. Nom, prénom, date de naissance, surnom, antécédents judiciaires, toxicomanie, alcoolisme, fumant ou non du cannabis, vivant ou non en squat, problèmes psychiatriques... La municipalité de Nantes, en Loire-Atlantique a constitué un fichier très détaillé sur les SDF de la ville en 2006, selon des informations du Point. Mais la municipalité anciennement dirigée par Jean-Marc Ayrault assure mardi qu'il s'agit d'une "initiative individuelle" aussitôt arrêtée. Europe1.fr fait le point sur l'affaire.
Le fichier en question. Documents à l'appui, l'hebdomadaire assure avoir eu accès à des fichiers informatisés datant de 2006. Au total, 129 noms figuraient dans le fichier, dans lequel "les habitudes de chaque SDF sont consignées jusqu'aux moindres détails, même les plus intimes, y compris les relations homosexuelles", souligne Le Point.
Selon l'hebdomadaire, les fiches, réalisées à partir d'observations et d'entretiens faits en 2005, semblent s'attacher à suivre individuellement chaque SDF, collectant des bribes de vie lâchées au gré de rencontres dans la rue. Autant d'informations fournies par le centre communal d'action sociale et les services de police.
Les documents en question sont en effet très détaillés et rapporte plusieurs rencontres avec les SDF de la ville. "X erre principalement sur le secteur Bon Pasteur depuis l'année 2004. Il ne se change jamais et il ne donne pas non plus l'impression de prendre des douches. Il s'alcoolise régulièrement", peut-on lire sur l'une des fiches d'un SDF.
Un ancien RG à l'origine du fichier ? Ce fichage aurait été mis en place après l'arrivée à Nantes d'un commissaire des Renseignements généraux, Gilles Nicolas, comme directeur de la réglementation et de la tranquillité publique. Mis en disponibilité, le policier a été repêché en 2008, à l'âge de la retraite, comme adjoint au maire chargé de la sécurité, selon Le Point.
Cette même année, il a été remplacé à son poste par un autre commissaire lui aussi "prêté" par la Place Beauvau, Didier Fillion-Nicolet, alors directeur du renseignement intérieur dans le département. En 2011, un troisième commissaire, Lionel Edmond, ancien numéro deux des RG à Nantes, est à son tour détaché à la mairie.
Prié de dire pourquoi il a recruté tant d'hommes du renseignement, Gilles Nicolas répond : "J'ai recruté des compétences avant tout sur des problématiques de sécurité". Quant au fichage de SDF, il assure qu'il datait d'avant son arrivée et que tout a été rectifié depuis.
La mairie et Ayrault parlent d'initiatives individuelles. "Il n'y a jamais eu de politique de fichage à la mairie de Nantes", a indiqué pour sa part la mairie, interrogée. Ce fichage de 2006 "était une initiative individuelle qui a été arrêtée, il y a été mis fin", a-t-on ajouté de même source.
Dans un communiqué ultérieur mardi après-midi, la mairie a réitéré ces déclarations en précisant que "le fichier publié par Le Point relevait de pratiques professionnelles mal contrôlées par la ville auxquelles il a été mis fin. Ce fichier non conforme a été détruit dès que la ville en a eu connaissance".
Forcé de s'expliquer, Jean-Marc Ayrault a pour sa part confirmé qu'il y avait "eu il y a quelques années des initiatives prises par quelques agents mais, sans aucune instruction". Et d'ajouter : "du point de vue des règles de la Cnil, la ville de Nantes est exemplaire. Elle a un délégué chargé de vérifier toutes les données de tous les fichiers, toutes les données personnelles".
L'opposition parle de pratique "courantes". L'opposition municipale UMP est en effet montée au créneau en rappelant une affaire en 2008, quand le PS avait demandé à ses adhérents de signaler les opposants notoires à la mairie. "Ce n'est pas vraiment une surprise, on a l'habitude de ces rumeurs de fichage. Je vous rappelle qu'en 2008, Jean-Marc Ayrault avait écrit à l'ensemble des militants et sympathisants socialistes pour leur demander de ficher, de donner les noms des opposants notoires à la municipalité", déplore Julien Bainvel, élu UMP interrogé par Europe 1.
"C'est une atteinte à la vie privée". Interrogé par Europe1, un homme qui vit dans la rue et qui s'est reconnu, s'est dit outré. "Ce n'est pas normal, c'est une atteinte à la vie privée. On n'a pas à nous pister pour savoir ce qu'on fait, ou pour dire monsieur untel prend du cannabis, monsieur untel il s'alcoolise. Non, on fait ce qu'on veut, comme tout le monde."