L'affaire avait ébranlé la Société générale. Jérôme Kerviel, l'ancien trader condamné à trois ans de prison pour une perte historique de 4,9 milliards d'euros subie par la banque en 2008, est jugé en appel depuis lundi. Mais, deux ans après le premier procès, les cartes ont été quelque peu redistribuées. Pluie de procédures, changement d'avocats et de stratégies... Europe1.fr fait le point en quatre actes sur cette affaire.
Acte I
24 janvier 2008. La Société générale crée la stupeur en annonçant une perte record de 4,9 milliards d'euros. La banque accuse alors un certain Jérôme Kerviel. Ce jeune homme de 31 ans, qui travaille au front office et dont la rémunération n'excède pas 100.000 euros par an, est immédiatement mis à pied. La Société générale, l'accuse d'avoir profité de "sa connaissance approfondie des procédures de contrôle", pour "dissimuler ses positions grâce à un montage élaboré de transactions fictives" entre 2007 et 2008.
La banque décide de porter plainte pour "faux en écritures de banque, usage de faux en écritures de banque et intrusions informatiques". Pour rétablir sa solidité financière, le Société Générale lance d'urgence une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros.
Le 26 janvier, Jérôme Kerviel est placé en garde à vue à la brigade financière. Le trader admet avoir pris des "positions non admises" dès la fin 2005 et "dissimulé" ses actes mais sans détournement à son profit.
Deux jours plus tard, une information judiciaire est ouverte. Le jeune homme est mis en examen pour "abus de confiance" et laissé en liberté.
Le 31 août 2009, les juges Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset décident de renvoyer Jérôme Kerviel devant le tribunal correctionnel.
Acte II
L'ex-trader fait face aux juges pour la première fois du 8 au 25 juin 2010. A l'époque, son avocat Me Olivier Metzner, tente de démontrer que la banque ne pouvait ignorer ce que faisait son trader. Tous deux affirment même que la Société générale l'encourageait à prendre des risques et fermait les yeux tant qu'il "gagnait". Jérôme Kerviel était "la créature" de la Société générale, plaide alors Me Metzner.
En première instance, le tribunal déclare le prévenu coupable "d'abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique" en écartant ses allégations. Jérôme Kerviel est lourdement condamné : cinq ans de prison dont trois ferme et 4,9 milliards de dommages et intérêts. Cette somme astronomique représente le montant de la perte que la banque dit avoir subie par sa faute. Pour rembourser cette somme, il faudrait 177.000 ans à Jérôme Kerviel.
Le 5 octobre 2010, l'ex-trader fait appel.
Acte III
Flanqué d'un nouvel avocat très médiatique, Me David Koubbi, celui qui avait défendu Tristane Banon contre Dominique Strauss-Kahn, Jérôme Kerviel passe à l'attaque en déposant deux plaintes contre la Société Générale. Le 20 avril 2012, l'ex-trader accuse la banque d"escroquerie au jugement". L'avocat reproche à la banque d'avoir omis de dire au tribunal qu'elle avait récupéré 1,7 des 4,9 milliards perdus grâce à un mécanisme fiscal. La Société générale répond qu'elle a mené cette opération dans la "transparence".
Une semaine plus tard, Me Koubbi dépose une deuxième plainte pour "faux et usage de faux". Cette fois, l'avocat de l'ancien trader accuse la banque d'avoir tronqué des enregistrements à charge. La Société générale nie fermement.
La réplique de la Société générale est presque immédiate. Elle dépose deux plaintes pour "dénonciation calomnieuse". Des enquêtes policières sont en cours.
Il y a quelques jours, Me David Koubbi a également saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour des propos tenus en première instance par le président du tribunal Dominique Pauthe. Il lui reproche d'avoir traité Jérôme Kerviel de "faussaire".
Acte IV
Jérôme Kerviel est à nouveau devant les juges depuis lundi. Lors de la première matinée d'audience, Jérôme Kerviel a martelé sa ligne de défense. A la question de savoir pourquoi il avait fait appel du premier jugement, l'ex-trader a répondu à la présidente : "Je considère que je ne suis pas responsable de cette perte et des faits qui me sont reprochés, j'ai toujours agi en connaissance de cause de ma hiérarchie". Le procès est prévu pour durer jusqu'au 28 juin. La cour devra dire dans son délibéré, sans doute à l'automne, si elle confirme la culpabilité du jeune homme de 34 ans et sa responsabilité civile. La défense, elle, plaide la relaxe.