Deux ans après l'affaire Merah, la Direction centrale du renseignement intérieure (DCRI) est dans la ligne de mire de la justice. Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire fin janvier pour "mise en danger délibéré de la vie d'autrui" et "non empêchement de crime", révèle M6. Dans cette affaire, la Direction centrale du renseignement intérieur est accusée de défaillances dans le suivi du "tueur au scooter".
La DCRI avait sous-estimé la dangerosité de Merah. Cette enquête fait suite à la plainte, en septembre dernier, déposée par les parents d'Abel Chennouf, un des militaires tué par Mohamed Merah. La famille reproche à la DCRI d'avoir sous-estimé la dangerosité de l'auteur des trois tueries, au cours desquelles sept personnes au total ont péri, en mars 2012.
La DCRI avait pourtant été alertée du profil suspect du jeune homme. Repéré dès 2006 dans le cadre de la surveillance de la mouvance salafiste toulousaine, Mohamed Merah inquiète particulièrement les services de renseignement toulousains (DRRI). En 2009, les enquêteurs de la DRRI de Toulouse confient leurs inquiétudes à leurs supérieurs hiérarchiques de la DCRI. Ils demandent notamment de "judiciariser la situation de Mohamed Merah", en raison de son "potentiel de dangerosité" élevé.
... Et abaissé son suivi. En novembre 2011, soit cinq mois plus tard, un "débriefing préventif" est prévu entre les services de renseignement toulousains et Paris. Dans sa note de synthèse, la DCRI conclut que la rencontre "n'a pas permis de faire le lien entre Mohamed Merah et un éventuel réseau jihadiste". Le suivi dont fait l'objet Mohamed Merah est donc revu à la baisse. Trois mois pus tard, le 11 mars, Mohamed Merah fait sa première victime. "Nous voulons savoir qui a pris la décision d'arrêter la surveillance et le suivi de Merah […]. Les familles sont en droit de demander ce qui s'est réellement passé", argumente aujourd'hui l'avocate de la famille Chenouf, interrogée par M6.
Des "défaillances objectives" selon l'IGPN. En juin 2012, le ministre de l'Intérieur avait lui-même "chargé la direction générale de la police nationale (DGPN) et la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) de lui fournir une étude très complète sur ce qui a dysfonctionné dans cette affaire". Manuel Valls n'avait alors pas hésité à parler d'échec dans le suivi du jeune homme. Quatre mois plus tard, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait de son côté conclu à des "défaillances objectives" de la part de la DCRI. Faute de faire condamner le principal accusé, la justice devra désormais établir les responsabilités de la DCRI dans cette affaire.
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