L'info. L'un des trois juges arbitres du tribunal arbitral dans l'affaire Tapie/Adidas a été placé en garde à vue lundi, dans un lieu "adapté à son âge" (il a 86 ans, ndlr). Il s'agit de l'ancien magistrat, Pierre Estoup, selon les informations de Mediapart. Cet ex-premier président de la cour d'appel de Versailles pourrait être présenté aux trois juges d’instruction (Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut) chargés du volet non ministériel de l’affaire Tapie-Lagarde. Me Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie, a lui aussi été placé en garde à vue. Il a été relâché mercredi matin, selon les informations d'Europe 1, sans être convoqué par un juge.
Une information judiciaire pour "usage abusif des pouvoirs sociaux" et "recel" avait été ouverte en septembre 2012.
Des liens suspects. Pierre Estoup était l'un des trois arbitres qui composaient le tribunal arbitral chargé de régler le différend entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. Les enquêteurs le soupçonnent d'avoir eu des liens professionnels anciens avec Me Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie. L'ex-magistrat n'en avait pas fait état au moment de l'arbitrage en faveur de l'homme d'affaires. Aux yeux du député Charles de Courson, ce défaut d'information relève d'un conflit d'intérêts susceptible de remettre en cause la légalité de l'arbitrage dont a bénéficié Bernard Tapie.
Une ancienne dédicace. Lundi, L'Express a révélé que le juge et l'ancien ministre se connaissaient avant cette procédure d'arbitrage. Un livre, saisi au domicile de Pierre Estoup lors d'une perquisition le 14 mai, porte en effet une dédicace de Bernard Tapie, datant de 1998. L'ancien homme d'affaire "y loue le 'courage' du 'Président Estoup', l'assurant même de son 'infinie reconnaissance'", indique L'Express. "En complément, il écrit : 'je vous remercie avec toute mon affection'", poursuit l'hebdomadaire. Bernard Tapie avait pourtant affirmé le contraire sur Europe 1 jeudi dernier. "On peut fantasmer, mais rien n'est vrai. Aucun arbitre n'est proche de moi. L'un d'entre eux a seulement fait deux arbitrages avec un de mes avocats et il a perdu", avait-il affirmé.
"1998, c'est très loin". Après les révélations de L'Express, l'ancien ministre s'est justifié. "Le 10 juin 1998, reconnaissez que c'est très loin de l'arbitrage de 2008. (...) Je maintiens que je ne connaissais pas Estoup. C'est un avocat qui m'avait demandé cette dédicace pour lui, parce qu'il avait été remarquable dans je ne sais plus quelle affaire", assure Bernard Tapie. "Si Pierre Estoup avait quelque chose à cacher sur ses relations avec Bernard Tapie (sic), il n'aurait pas gardé un livre de moi avec une telle dédicace", ajoute-t-il.
Bernard Tapie indique par ailleurs avoir connu Pierre Mazeau, un autre membre du tribunal arbitral. Il "était député en même temps que moi", explique-t-il. "Quant à Jean-Denis Bredin [le troisième juge arbitral, ndlr], il a travaillé dans un cabinet dont l'un des avocats oeuvrait pour le Crédit Lyonnais", ajoute-t-il encore.
Estoup ne craint "absolument rien". Quant à Pierre Estoup, il avait assuré au Point ne craindre "absolument rien", après la perquisition menée à son domicile. "Il n'y a jamais eu de lien de dépendance économique entre l'avocat de Bernard Tapie et moi. Il y a peu de connaisseurs des procédures d'arbitrage, il n'est pas anormal de se retrouver dans plusieurs arbitrages", avait-il ajouté.
"C'est spectaculaire". Pour Thomas Clay, juriste et professeur de droit, ces gardes à vue sont "totalement inédites". "C'est spectaculaire, ça montre l'ampleur des turpitudes suspectées. C'est totalement inédit dans l'histoire de l'arbitrage. Il faut savoir que Pierre Estoup était un très haut magistrat, premier président de la cour d'appel de Versailles, une des plus belles cours d'appel. Me Maurice Lantourne est un avocat réputé. Qu'ils se retrouvent tous les deux, en garde à vue, au même moment, dans un dossier aussi sensible, c'est déjà un premier renseignement", a-t-il commenté sur Europe 1.
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