Un nouveau nom fait son apparition dans l'affaire Tapie. C'est celui de Pierre Mazeaud, l'un des trois juges arbitres du tribunal qui avait octroyé 403 millions d'euros à Bernard Tapie. Dans ce dossier, l'homme d'affaires est soupçonné d'avoir été favorisé dans le règlement du contentieux l'opposant à l'Etat sur la revente d'Adidas par le Crédit Lyonnais, en 1993. Pierre Mazeaud, qui était l'un des trois juges en charge d'arbitrer le litige, a porté plainte le 13 juillet dernier pour "menaces". La brigade financière a été saisie de ce volet en marge de l'affaire Tapie, a-t-on précisé de même source.
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"Chargé de vous dire de faire très attention". La plainte vise indirectement l'ancien PDG du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade, précise Le Canard enchaîné à paraître mercredi. Selon l'hebdomadaire, Pierre Mazeaud a reçu la visite d'un ancien dirigeant du club des amis de Jacques Chirac, Pierre Habib-Deloncle. Ce dernier lui aurait rapporté avoir été "missionné" par l'ancien banquier Jean Peyrelevade dans le but de le prévenir des menaces qui pèsent sur lui s'il révèle ce qu'il sait sur le Crédit Lyonnais. "Peyrelevade m'a chargé de vous dire de faire très attention", aurait rapporté Pierre Habid-Deloncle. Une mise en garde qui intervenait six jours avant l'audition de l'ancien juge arbitre Pierre Mazeaud.
"C'est Pierre Peyrelevade l'escroc". Pour l'ancien président du tribunal arbitral, cette intervention est clairement une "menace". "Une intimidation" qui intervient alors que Pierre Mazeaud a tenu par le passé des propos peu amènes à l'égard de l'ancien PDG du Crédit Lyonnais. Interrogé le 4 juin dernier dans le cadre de l'enquête sur l'arbitrage controversé favorable à Bernard Tapie, il avait en effet rapporté aux enquêteurs que Pierre Peyrelevade avait fait du "portage, c'est-à-dire créer des sociétés dans les paradis fiscaux, Bahamas et îles Caiman". "C'est lui l'escroc qui a voulu faire une entourloupe à Bernard Tapie et permettre au Crédit lyonnais de s'approprier Adidas", avait-il déclaré, selon le PV d'audition.
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"Ne pas se laisser impressionner". Selon Le Canard enchaîné, Pierre Mazeaud a raconté aux policiers de la brigade financière avoir mis Pierre Habib-Deloncle à la porte en lançant : "on n'est pas en Corse ici, je n'ai pas à me retourner quand je marche dans la rue." Une fermeté soutenue par Bernard Tapie. "Mazeaud montre qu'il n'est pas prêt de se laisser impressionner", a estimé l'homme d'affaires interrogé par Europe 1.
Habitué aux éclats de voix, l'ancien ministre voit d'ailleurs dans cet épisode la preuve d'une "opération totalement organisée" visant à "déstabiliser les trois arbitres" qui lui ont attribué 403 millions d'euros. "On fait passer les arbitres pour des imbéciles, des incompétents, ou pire, des complices d'une escroquerie en bande organisée. C'est leur méthode, ne pas hésiter à utiliser les menaces, le chantage, pour qu'à un moment donné un arbitre dise : 'oui, finalement, je ne suis pas sûr'", a-t-il déploré en visant particulièrement les centristes François Bayrou et Charles de Courson.
"Nicolas Sarkozy est la cible". L'homme d'affaires a par ailleurs répété qu'on cherchait, à travers lui, à atteindre l'ancien président Nicolas Sarkozy, qui était président de la République au moment où l'arbitrage a été rendu en 2008. "Ce complot n'est pas contre moi. Je ne suis qu'un des rouages qui doit amener vers la cible finale. Tout le monde a compris qu'il faut impérativement tout que ce qui a touché de près ou de loin à Nicolas Sarkozy soit abattu", a commenté l'ancien ministre.
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"J'ai fait du lobbying". Également interrogé sur les courriers envoyés à des responsables politiques avant que soit décidé le recours à l'arbitrage en fin 2007, Bernard Tapie a assumé avoir fait "du lobbying" parce qu'il était "volé". "En ce qui concerne mes courriers, c'est plutôt sain de s'adresser aux gens par courrier, plutôt que d'obtenir des rendez-vous clandestins. Je l'ai fait auprès de Fabius, je l'ai fait auprès de Strauss-Kahn, je l'ai fait auprès de tous les ministres des Finances en disant qu'il s'était passé un scandale unique : une banque qui appartenait à l'Etat a volé son client de plus du double de ce qu'elle aurait du normalement encaisser", a insisté Bernard Tapie avant de conclure : "je l'ai fait à tous les gens qui étaient susceptibles d'être sensibilisés".