Le mandat de directrice générale du Fonds monétaire international sera-t-il jalonné par une enquête pénale ? La décision de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République rendra sa décision jeudi. Elle doit statuer sur la demande formulée le 10 mai par le parquet général de la Cour de cassation, qui avait reproché à Christine Lagarde le choix d’avoir préféré un arbitrage, en 2007, en faveur de Bernard Tapie dans la vente litigieuse d'Adidas par le Crédit Lyonnais en 1993.
Le procureur Jean-Louis Nadal préconise une procédure pour "abus d'autorité" contre l'ex-ministre de l'Economie, passée à la tête du FMI en juillet.
La Cour a dû reporter sa décision, qui devait être donnée au préalable le 8 juillet dernier, après qu'"un des membres de la commission des requêtes ait fait connaître tardivement qu'il était dans l'obligation de se récuser". Il s’agissait de Laurence Fradin, épouse de Pierre Joxe - ancien ministre socialiste sous Mitterrand et ancien président de la Cour des Comptes -.
Lagarde ne démissionnera pas
Même si Christine Lagarde n'envisage pas de démissionner en cas d'enquête, une telle procédure ternirait cependant son début de mandat à Washington. Et ce, d'autant qu'elle a succédé à Dominique Strauss-Kahn, un autre Français contraint au départ après son arrestation pour une tentative de viol présumée sur une femme de chambre à New York en mai.
Une enquête sur le dossier Tapie durerait des années avec à la clé une possible mise en examen, des interrogatoires et des investigations potentiellement peu compatibles avec une fonction internationale.
Si la commission tranche en faveur d'une enquête, le parquet de la Cour de cassation serait tenu de l'ouvrir formellement, mais un problème pourrait alors se poser car Jean-Louis Nadal est parti en retraite le 30 juin. Son successeur désigné, l'actuel procureur du tribunal de Paris Jean-Claude Marin, qui fut haut fonctionnaire au ministère de la Justice lors du second mandat de Jacques Chirac, ne prendra ses fonctions qu'en septembre.
Une faveur à Tapie ?
Le dossier concerne l'arbitrage privé concernant un litige entre l'Etat et Bernard Tapie sur la revente d'Adidas en 1993. L'arbitrage confié à trois personnalités a débouché sur l'attribution de 285 millions d'euros à l'homme d'affaires en 2008. Les conditions dans lesquelles la convention d'arbitrage a été modifiée pour permettre l'attribution de 45 millions d'euros au seul titre du "préjudice moral" sont aussi mises en cause. Enfin, le procureur reproche à Christine Lagarde le fait d'avoir renoncé, au nom de son ministère, à un recours contre le résultat de l'arbitrage, pourtant recommandé par ses services.
La gauche soupçonne une faveur de Nicolas Sarkozy à Bernard Tapie, ex-ministre de François Mitterrand qui avait appelé à voter pour lui en 2007.