La déclaration. "A titre personnel, suis-je favorable à un statut ? Pas trop", a répondu sur Europe 1 la ministre des Personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, interrogée sur l'assistance sexuelle. "Mais le débat ne doit pas faire scandale. Il est important et légitime", a-t-elle reconnu dans la foulée, estimant que ce débat pouvait s'ouvrir "maintenant", au niveau national. "Nous préparons la conférence nationale du handicap", a-t-elle ainsi rappelé.
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Le contexte. Le Conseil général de l'Essonne a relancé le débat sur ce sujet jeudi, en proposant la mise en place d'un statut "d'assistant sexuel" pour les personnes handicapées. Son président (PS), Jérôme Guedj, propose en effet "une intervention solide de la puissance publique sur la question de la sexualité des personnes handicapés". L'aide se ferait alors via les services d'accompagnement à la vie sociale (SAVS), ces structures médico-sociales financées par les département et gérées par des associations. Des salariés volontaires pourraient alors pratiquer "une forme d'assistance sexuelle", "uniquement pour les personnes lourdement handicapés qui n'ont pas la maîtrise de leur corps". L'aide sexuelle peut aller de l'assistance érotique aux caresses, contact corps à corps jusqu'au rapport sexuel. Elle est déjà légale dans des pays comme l’Allemagne, les Pays Bas, la Suisse et le Danemark.
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Pas "d'initiative locale". La ministre a regretté une annonce "prématurée" de la part de Jérôme Guedj. "Ce débat est important, il ne peut pas être traité comme ça, au détour d'une initiative locale. Je connais Jérôme Guedj, son action en faveur du handicap, il fait un bon travail mais je crois que c'est prématuré. Ce qu'il fait pourrait être contradictoire avec le cadre législatif", a-t-elle ainsi prévenu.
Un débat… mais pas de loi ? Marie-Arlette Carlotti insiste : le sujet ne doit pas être tabou. Et il doit être discuté dans toute sa complexité en prévision de la conférence nationale du handicap. "Nous sommes assez en retard en France. Nous avons une responsabilité : changer le regard sur les personnes handicapées, lutter contre leur isolement, faire en sorte de les intégrer dans la société. Evidemment la réflexion sur la vie sentimentale, sexuelle et affective doit être une question légitime", a-t-elle reconnu. "Est-ce que ça doit passer par une loi ? Je ne sais pas", a toutefois nuancé Marie-Arlette Carlotti. Et d'enchaîner : "je préfère un vrai débat. Beaucoup d'autres solutions existent, comme le respect de l'intimité, éviter l'isolement dans les maisons où l'on sépare hommes et femmes, tout ça est à faire évoluer. Nous aurons un débat public."
Une ministre "féministe". Le doute de la ministre trouve aussi ses origines dans ses convictions personnelles. "Ce statut-là (d'assistant sexuel ndlr) me dérange. Peut-être parce que je suis extrêmement féministe", a ajouté la ministre. "Assistant, on traduit assistante, les associations féministes sont vent debout", prévient-elle, faisant référence à "une forme de prostitution".
Le "non" du Comité national d'éthique. La ministre peut s'appuyer sur le Comité national consultatif d'éthique (CCNE), qui a rendu un avis défavorable aux assistants sexuels, le 12 mars dernier. Délivrer un service sexuel à la personne handicapée entraîne des risques importants de dérives, avait relevé le CCNE en rejetant tout "angélisme". "D'une part, les bénéficiaires sont des personnes vulnérables et susceptibles d'un transfert affectif envers l'assistant sexuel", détaillait-il. D'autre part, rien ne peut assurer que ce dernier ne va pas lui-même se rendre vulnérable "par une trop grande implication personnelle dans son service". Le CCNE considère, enfin, qu’"il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres, en raison du principe de non utilisation marchande du corps humain."