Al-Jazira ne montrera pas la vidéo des tueries

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avec agences , modifié à
La chaîne qatarie propose de remettre à la justice les images des crimes de Merah.

La chaîne de télévision qatarie Al-Jazira, le parquet et les familles de victimes se sont accordées mardi devant le tribunal de Paris pour que la chaîne ne diffuse pas la vidéo des assassinats commis par Mohamed Merah et remette à la justice les copies dont elle dispose. Dans l'après-midi, le parquet de Paris avait assigné la chaîne en référé afin de l'empêcher de diffuser ce montage qu'elle a reçu lundi par courrier.

Quelques heures plus tôt, Al-Jazira avait finalement décidé de ne pas diffuser les images de l'horreur. En possession du montage vidéo de 25 minutes des images tournées par Mohamed Merah lors des tueries de Toulouse et Montauban, la chaîne qatarie a annoncé mardi en début d'après midi qu'elle s'engageait à ne pas la diffuser.

Décision prise au Qatar

"Conformément à son code d'éthique et compte tenu du fait que les vidéos n'ajoutent aucune information qui n'est pas déjà du domaine public, Al-Jazeera ne diffusera pas leurs contenus", a expliqué dans un communiqué un porte-parole de la chaîne.

Le chef du bureau de Paris d'Al-Jazira avait expliqué mardi sur Europe 1 que la décision de diffuser ou non les vidéos était une "question de déontologie" qui serait tranchée "au Qatar" en début d'après-midi. 

Les copies remises à la justice

Au tribunal, Zied Tarrouche, directeur d'Al-Jazira France, a proposé que les copies des vidéos, placées dans un coffre-fort de la chaîne à Paris, soient remises à un juge d'instruction. "Je ne voudrais pas qu'on ajoute l'horreur du spectacle à l'horreur des faits", a expliqué Me Antoine Comte, avocat de la chaîne.

"Nous ne sommes pas opposés à cette solution", a acquiescé Me Lef Forster, l'un des avocats des familles. Toutefois, a complété son confrère, Me Patrick Klugman en s'adressant au tribunal, "il est important pour nous qu'il y ait une décision de votre part pour interdire une diffusion", car "il y a un communiqué d'Al-Jazira, mais quelle est sa force, quelle est son autorité ?" Le tribunal, à qui les différentes parties ont demandé de "donner acte" de ces déclarations, doit rendre sa décision mercredi à 17h.

L'appel de Nicolas Sarkozy

Plus tôt, Nicolas Sarkozy avait condamné toute diffusion de ces images. "Je demande aux responsables de toutes les chaînes de télévisions qui auraient ces images en leur possession de ne les diffuser sous aucun prétexte". C'est l'appel lancé mardi Nicolas Sarkozy depuis l'Elysée au sujet des vidéos tournées par Mohammed Merah lors des tueries.

Peu avant l'appel du chef de l'Etat, le CSA avait également invité les chaînes à ne pas diffuser les vidéos. De son côté, Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères s'est prononcé "bien sûr" contre une telle diffusion. "Je pense que cette incitation, sur des cerveaux souvent dérangés ou fragiles, à la violence, au meurtre, est tout à fait détestable", a-t-il indiqué mardi matin sur Radio Classique. François Hollande a pour sa part adressé une mise en garde appuyée à Al-Jazira contre une diffusion des tueries de Mohamed Merah, qui serait "extrêmement grave" et qui nécessiterait des "décisions à prendre" envers le Qatar et la chaîne.

L'appel des familles des victimes

Ces vidéos suscitent aussi l'émoi des familles des victimes. Latifa Ibn Ziaten, la mère du premier parachutiste tué par Mohamed Merah, en larmes, a imploré mardi la chaîne Al-Jazira de ne pas diffuser les images filmées par Mohammed Merah. "C'est mon fils qui est mort, un enfant de 30 ans. Et on veut le montrer comme si c'était un film. S'il vous plaît, je ne veux pas voir ça", a-t-elle déclaré.

Pour sa part, l'oncle d'Aaron Bijaoui, grièvement blessé lors de l'attaque du groupe scolaire juif Ozar Hatorah, s'est dit "choqué" et "révolté" par l'éventualité d'une diffusion. "Ca n'a aucun intérêt si ce n'est de choquer les gens et de leur faire du mal", a-t-il dit. "Si jamais on les diffuse, (Mohamed Merah) aura gagné jusqu'au bout", a-t-il jugé.

La famille de Jonathan Sandler, assassiné avec ses deux enfants par Mohamed Merah le 19 mars, a également appelé les médias à ne pas diffuser le montage vidéo. "Nous allons entreprendre tous les moyens judiciaires possibles pour empêcher toute diffusion", a affirmé leur avocat.

Les chaînes de télé s'engagent

Du côté des chaînes de télévision, intéressées au premier chef, France 2, TF1, Canal+ et les chaînes d'information en continu (LCI, BFM TV, i-Télé et France 24) ont d'ores et déjà annoncé qu'elles ne diffuseraient pas les vidéos en question, quelle que soit la décision prise en dernier ressort par Al-Jazira.

Al-Jazira a ainsi clôt la polémique née après que la chaîne a révélé mardi avoir reçu lundi une clé USB par voie postale contenant le fameux montage vidéo. "On voit toutes les attaques perpétrées à Toulouse et à Montauban dans l'ordre chronologique, c'est-à-dire l'assassinat du premier soldat, après les trois soldats et enfin l'attaque de l'école (...) Il y a eu un mixage de musiques et de chants religieux, des lectures, des récitals de versets coraniques. En montant les coups de feu au moment des assassinats, on entend les voix de cette personne qui a commis les assassinats. On entend aussi les cris des victimes et les voix ont été déformées", avait expliqué le chef du bureau parisien d'Al-Jazira.