L’INFO. L’annonce de sa mise en examen dans le dossier de l’amiante avait sonné comme un coup de tonnerre en novembre dernier. Martine Aubry, poursuivie avec huit autres personnes en tant qu’ancienne haut fonctionnaire du ministère du Travail dans les années 1980, a contesté jeudi devant la Cour d’appel de Paris toute responsabilité dans la gestion de ce dossier. Avec un objectif : obtenir l’annulation de sa mise en examen pour "homicides involontaires" et être mise hors de cause. La chambre de l'instruction de la cour a mis sa décision en délibéré au 17 mai,
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Le rôle des pouvoirs publics en question. L’enquête porte sur l'exposition à l'amiante de salariés de l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau, dans le Calvados. Dans ce dossier, la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy s'intéresse en particulier à l'influence du Comité permanent amiante (CPA), lobby des industriels de l'amiante qui aurait efficacement défendu "l'usage contrôlé" de l'amiante pour retarder au maximum son interdiction, finalement intervenue en 1997.
La magistrate enquête aussi sur la réponse apportée par les pouvoirs publics à ce drame sanitaire à partir des années 1970. En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l'État pour sa "gestion défaillante" de l'amiante, jugée responsable par les autorités sanitaires de 10 à 20% des cancers du poumon et qui pourrait provoquer 100.000 décès d'ici à 2025. La juge estime que Martine Aubry n'aurait pas pris les mesures qui auraient permis d'éviter les conséquences dramatiques de l'exposition des travailleurs à l'amiante, un argument rejeté avec force par l'intéressée.
Les craintes des victimes. De leur côté, les victimes craignent que personne ne soit jamais considéré comme responsable dans ce dossier. "Le crime de l’amiante, c’est un crime industriel avec la complaisance d’un certain nombre de hauts fonctionnaires", affirme de son côté Jean-Paul Teissonnière, un des principaux avocats de l'association des victimes (Andeva). "Ceux qui avaient la connaissance des dangers peuvent être considérés comme susceptible de poursuites", affirme-t-il.
Jeudi, alors que commençait l'examen de plusieurs demande d'annulation de mises en examen, dont celle de Martine Aubry, une centaine de proche des victimes de l'amiante manifestait devant le palais de justice de Paris. "Amiante, santé ruinée", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des ex-salariés en tenue de travail, tandis que des familles venues de toute la France brandissaient les portraits de salariés décédés.
Une mise en examen injustifiée ? Toutefois, le même Me Teissonnière s’interroge sur la pertinence des poursuites entreprises contre Martine Aubry. "Il n’apparaît nulle part dans le dossier que Martine Aubry ait été directement informée des alertes qui avait lieu au moment où elle était en charge de la direction des relations du Travail", souligne-t-il. Avant d’ajouter : "dans le cas de Martine Aubry, à notre avis, il y a un doute qui fait que la mise en examen n’était pas utile".