"La décision est historique". La phrase est signée maître Jean-Paul Teissonnière, avocat des victimes du drame de l'amiante, responsable de la mort de 3.000 personnes en Italie. Pour cet avocat français, l'issue du procès redonnera sans doute espoir aux proches des milliers de victimes françaises de l'amiante.
"A la France de s'inspirer de l'Italie"
Dans l'hexagone, l'amiante pourrait avoir causé 100.000 morts d'ici 2025. Pour Jean-Paul Teissonnière, interrogé par Le Figaro.fr, "la situation des victimes de l'amiante en France est comparable à celle des victimes en Italie." L'Association française des victimes de l'amiante espère ainsi que cette condamnation lourde en sonne "comme un avertissement pour tous ceux qui ont fait passer le profit avant la santé des ouvriers".
Même son de cloche du côté de la Fédération nationale des accidentés de la vie (Fnath) qui demande également "à la France de s'inspirer de l'Italie", relevant que la condamnation italienne marquait "la fin d'une époque".
Un contraste "insupportable"
Les peines prononcées par le tribunal de Turin à l'encontre des deux actionnaires de l'entreprise Eternit-Italie sont en effet conséquentes. Le Suisse Stephan Schmidheiny, 64 ans, et le Belge Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, 90 ans, ont été condamnés lundi à 16 ans de prison. Les deux hommes devront aussi verser plus de 250 millions d'euros aux diverses parties civiles, selon les calculs de la défense.
Mais Me Teissonnière craint une inégalité de traitement des victimes entre la France et l'Italie. "Parce que contrairement à ce qui se passe en France, les parquets italiens sont indépendants du pouvoir politique et donc très efficaces, précise l'avocat français.
Même constat du côté de l'Andeva. Pour le collectif, cette décision de justice rend le contraste avec la procédure en France sur ce dossier "plus insupportable". Alors qu'en Italie, "la justice a été rendue", "le procès des responsables n’a même pas commencé" dans l'Hexagone, note-t-elle. "A ce jour, une catastrophe sanitaire qui fera plus de 100.000 morts n’a toujours ni responsable, ni coupable", souligne l'association.
Inquiétude sur l'avenir des procédures
Les premières plaintes en France ont pourtant été déposées en 1996. De nombreuses personnes sont mises en examen pour "homicides et blessures involontaires" dans ces dossiers. Elles sont suspectées d'avoir maintenu ou favorisé l'usage de cette matière dont la dangerosité était averée depuis des décennies lorsqu'elle a été interdite en 1997.
En décembre dernier, la cour d'appel de Paris avait annulé six mises en examen concernant Eternit, levant en particulier celle de l'ancien dirigeant, Joseph Cuvelier, pour des motifs d'ordre procédural. L'Andeva déplore ainsi que "l’instruction pénale confiée aux magistrats spécialisés du Pôle de santé publique, s’enlise faute de moyens suffisants".
Le syndicat FO-magistrats a annoncé lundi avoir saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour s'étonner du manque de moyens consacrés à ce dossier. Il a écrit aux parlementaires qui ont constitué un groupe sur cette affaire pour les alerter. Me Teissonnières se montre optimiste et avance que cette "décision historique" pourrait accélérer la tenue d'un procès dans notre pays".