"La sécurité était la priorité la semaine dernière, à Amiens. Il fallait de la répression, de la sanction, rétablir l'ordre public. Aujourd'hui on peut travailler sur les questions de politique de la ville, sur l'emploi, sur l'éducation." Le ministre de la Ville François Lamy était lundi en déplacement à Amiens, pour rencontrer élus locaux et représentants du monde associatif et social, une semaine après les heurts dans les quartiers nord de la ville. Il en a profité pour évoquer une promesse de campagne de François Hollande : les emplois francs.
S'il assure être venu "sans annonce" pour se démarquer du précédent gouvernement, le ministre prévoit ainsi des "expérimentations". "Des annonces il y en a eu beaucoup ces dernières années qui n'ont pas toujours été suivies d'effet. Ce qui importe, c'est la cohérence et la simplification", a insisté François Lamy auprès de la presse. Ajoutant tout de même : "je vais continuer à travailler dans le cadre d'une politique plus globale que je présenterai en Conseil des ministres prochainement."
Valls hausse le ton
Parmi les "expérimentations" : les emplois francs, qui prévoient des exonérations fiscales aux entreprises qui embauchent des jeunes issus de quartiers défavorisés. Le ministre doit lancer à la rentrée une concertation qui doit aboutir début 2013 à une refonte de la carte de la politique de la ville, destinée, comme il l'a répété lundi à "concentrer les moyens là où on en a besoin".
Et à Amiens-nord, les réelles "annonces" sont attendues avec insistance. En début de semaine dernière, les affrontements entre une centaine de jeunes des quartiers nord et des policiers avaient fait 16 blessés du côté des forces de l'ordre. Les violences ont déjà conduit à deux condamnations de prison avec sursis. Une centaine de policiers d'autres régions ont été provisoirement envoyés en renfort, rétablissant le calme dans ces quartiers sensibles depuis longtemps. "La justice doit retrouver toute sa place" avait martelé le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, au lendemain des violences.
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Mais selon de nombreux spécialistes et habitants, la surenchère sécuritaire ne suffira pas. Ce qui rend l'attente vis-à-vis des "expérimentations" du ministre de la Ville encore plus palpable.
"Une énergie énorme convertie dans la violence"
"Tous les éléments étaient réunis pour que des incidents arrivent au sein d'une population qui a le sentiment de ne plus avoir d'avenir et pour qui la règle n'a plus de sens. On est proche d'une forme de nihilisme pour des gens exclus du droit à la promotion sociale, analyse ainsi le sociologue local Christophe Baticle, interrogé par Le Courrier Picard. Il y a tout un travail politique à faire pour catalyser dans ces quartiers une énergie énorme capable de créer de la richesse, aujourd'hui convertie dans la violence. Un gâchis pour tout le monde."
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Même le classement d'Amiens-Nord parmi les "zones de sécurité prioritaires" laisse sceptique. "On répond là par du sécuritaire, faute de marge de manœuvre pour recréer de la croissance, alors qu'il faudrait remettre des moyens, qui ont eu tendance à disparaître, pour recréer de la sociabilité. En attendant, face à des parents en marge et dans la débrouille, les enfants de ces quartiers se retrouvent placés de plus en plus vite dans des réalités d'adultes", déplore le sociologue.
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Dans les quartiers nord d'Amiens, le chômage atteint 45% de la population et touche deux jeunes sur trois.