L'info. "Aff. BT" Voilà une mention énigmatique en haut d'un courrier, mais qui pourrait faire basculer l'affaire Tapie. D'après Le Monde, les juges en charge du dossier ont saisi plusieurs lettres, échangées par Me Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie, et Pierre Estoup, l'un des arbitres, qui prouvent que les deux hommes ont bien parlé de l'arbitrage avant qu'il ne soit rendu. Les deux hommes ont pourtant nié à plusieurs reprises avoir eu des liens avant cette affaire.
Des courriers de 2006. Début juillet, plusieurs courriers ont été retrouvés lors d'une perquisition au cabinet d'avocat Fried Frank, où Me Lantourne a exercé de 2006 à 2009 - soit en plein pendant l'arbitrage, évoqué pour la première fois en janvier 2007 et finalement conclu en juillet 2008, rappelle Le Monde. Selon les informations d'Europe 1, c'est le cabinet international Fried Frank qui a conservé dans ses serveurs informatiques tous les documents de Me Lantourne.
Ses lettres datent de septembre 2006. Le 5 septembre, Me Lantourne écrit ainsi à Pierre Estoup. La lettre porte la référence "Aff. BT" et était jointe à des documents relatifs au conflit entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, à propos de la vente d'Adidas, affirme Le Monde.
Une rencontre qui intrigue. Trois jours plus tard, figure à l'agenda de l'avocat un rencontre avec celui qui deviendra arbitre du dossier. "Quid dossier", peut-on ainsi lire à la date du 8 septembre. Un rendez-vous qui intrigue les juges puisque, selon les dires des deux hommes, leur dernier dossier commun remonte à 2002.
Dans un autre courrier, en date du 12 septembre, Me Lantourne fait cette fois parvenir à Pierre Estoup une note qu'il a rédigée sur l'affaire Tapie. "Il y souligne qu''il paraît aujourd'hui opportun de mettre un terme à la liquidation judiciaire' et assure que les 'fautes commises par le CDR et le Crédit lyonnais sont extrêmement graves'", révèle le quotidien.
Tapie, Lantourne et Estoup à une réception. Un dernier élément a fini de convaincre les juges que Me Lantourne et Pierre Estoup sont beaucoup plus liés qu'ils n'ont bien voulu l'admettre. En 2004, l'avocat de Bernard Tapie a convié à une réception son client, mais aussi Pierre Estoup. "Quatre ans avant l'arbitrage. Et six ans après l'intrigante dédicace adressée en 1998 par M. Tapie à M. Estoup", note Le Monde.
Un projet d'avis. Enfin, les juges se sont également intéressés à un autre arbitre, l'avocat Jean-Denis Bredin. Un courrier, envoyé en avril 2006 par Me Lantourne à son confrère, porte par exemple lui aussi la référence "Aff. BT". Quelques mois plus tard, l'avocat de l'homme d'affaires fait parvenir à Me Bredin le "projet d'avis de M. Lafortune, avocat général à la Cour de cassation". "Comment le camp Tapie a-t-il eu connaissance de ce qui n'est encore qu'un "projet", rédigé par le magistrat Maurice Lafortune, le concernant ?", s'interroge Le Monde.
La réponse de Me Lantourne. Interrogé par le quotidien, Me Lantourne appelle à "la plus grande prudence sur les documents saisis, qui ne sont parfois que des projets de lettres". "Par ailleurs, je maintiens n'avoir jamais demandé à M. Estoup de travailler en 2006 sur ce dossier", martèle-t-il.
"98,5% de ce qui est écrit est bidon", selon Tapie. Une ligne de défense également adoptée par Bernard Tapie. "98,5% de ce qui est écrit est bidon. Je me suis renseigné il y a un quart d’heure et il y a un quart d’heure, il m’a été répondu exactement ce que je vais vous dire : que ces courriers (…) n’ont pas, d’après Lantourne, été envoyés", a-t-il affirmé sur BFM TV. "Ce qui me fait penser qu’il dit vrai c’est qu’effectivement aucun de ces courriers n’a été retrouvé au cours des perquisitions chez ceux à qui ils étaient destinés. Or comme ce sont des gens très ordonnés comme vous avez pu le voir, au cours des perquisitions on a vu qu’ils avaient tout conservé précieusement, s’ils ne les ont pas retrouvé c’est qu’ils n’ont pas été envoyés".
"Il imagine envoyer des éléments matériels essentiels". "D'abord, les juges ont saisi des documents en miroir chez Pierre Estoup, qui sont exactement les mêmes [que ceux retrouvés chez Me Lantourne, ndlr]. Donc ces éléments sont corroborés. Et quand bien même il s'agirait de projets de lettres, cela signifie de toute façon que dès 2006, bien avant que l'arbitrage soit lancé, Maurice Lantourne imagine envoyer nombre d'éléments matériels essentiels sur un dossier que Pierre Estoup n'a pas à connaître, puisqu'il n'est pas désigné arbitre. Donc ces éléments montrent qu'il y a eu une concertation, au niveau en tout cas de ces deux maîtres d'oeuvre de l'arbitrage", a répondu Gérard Davet, l'un des auteurs de l'article du Monde, sur Europe 1.