L'INFO. Les éléments laissant penser qu'il y a eu fraude dans le dossier de l'arbitrage Tapie s'accumulent. Selon Le Monde, qui affirme lundi avoir eu accès au dossier judiciaire, les enquêteurs disposent de suffisamment d'éléments pour établir que l'arbitrage qui a permis à Bernard Tapie d'obtenir 403 millions d'euros en 2008 pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais a bien été faussé. Pour démontrer l'escroquerie en bande organisée, les enquêteurs estiment avoir établi un lien entre l'un des trois juges arbitres, Pierre Estoup, et Me Maurice Lantourne, l'avocat de l'homme d'affaires, tandem qui aurait joué le rôle moteur. L’État, qui s'apprête à déposer un recours en révision, après s'être constitué partie civile, va pouvoir s'appuyer sur cette procédure.
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Où en est-on aujourd'hui ? A ce jour, trois personnes ont été mises examen pour escroquerie en bande organisée : Pierre Estoup, Stéphane Richard, actuel PDG d'Orange, et Jean-François Rocchi, l'ancien président du CDR, l'organisme chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais. L'ex-ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a été placée parallèlement sous le statut de témoin assisté par la Cour de justice de la République. Claude Guéant, ex-secrétaire général de l'Elysée et François Pérol, son adjoint, devraient être prochainement entendus, selon une source proche de l'enquête.
Pour les enquêteurs : trois niveaux d'intervention. Selon Le Monde, les enquêteurs relèvent trois niveaux d'intervention. Le premier se caractérise par une décision politique, à l'initiative de l’Élysée, prise par Nicolas Sarkozy et Claude Guéant . Le second se focalise sur les deux "architectes" de l'arbitrage, Stéphane Richard, alors directeur du cabinet de Christine Lagarde, et Jean-François Rocchi. Enfin, en troisième lieu, le dossier identifie deux "maîtres d’œuvre", en les personnes de Me Maurice Lantourne et du juge arbitre Pierre Estoup. L'avocat aurait reconnu lors de son audition avoir proposé Pierre Estoup comme arbitre, contrairement aux règles de l'arbitrage, alors que les deux hommes se connaissaient, pour s'être croisés dans au moins dix procédures. Dans l'ordinateur de Maurice Lantourne figurerait aussi une note du 20 septembre 2008, relative à l'arbitrage, et destinée à Christine Lagarde.
Quels liens entre Tapie et Estoup ? A l'appui de liens anciens entre Bernard Tapie et Pierre Estoup, les enquêteurs retiennent la dédicace du 10 juin 1998 d'un livre dans lequel l'homme d'affaires adresse son "infinie reconnaissance" au magistrat pour son soutien. Un soutien qui se serait à nouveau manifesté dix ans plus tard. Les policiers ont également découvert, selon le quotidien, que, depuis 1997, Pierre Estoup facturait des honoraires en tant que consultant à l'ex-avocat de Bernard Tapie, Me Francis Chouraqui.
Deux arbitres court-circuités ? A en croire Le Monde, Pierre Estoup aurait "neutralisé" les deux autres arbitres en se chargeant de tout et en leur proposant des "honoraires confortables" pour une charge de travail réduite. Jean-Denis Bredin, l'un des deux autres arbitres, dont la santé et la mémoire seraient chancelantes, aurait dit ne pas connaître l'ex-haut magistrat mais les enquêteurs auraient découvert là-encore des dédicaces prouvant le contraire.
Un revirement de Christine Lagarde ? Selon un extrait de l'audition de l'ex-ministre, cité par Le Monde, la directrice générale du Fonds monétaire internationale (FMI), qui avait dit assumer pleinement l'arbitrage, prend aujourd'hui ses distances. "Au moment où j'ai pris mes décisions dans l'affaire Tapie, j'ai déjà indiqué que je n'avais aucune raison de douter de l'impartialité de Pierre Estoup. Aujourd'hui, avec le recul et au vu des éléments que vous me communiquez, il est évident que mon sentiment est différent", affirme-t-elle.