Depuis mercredi matin, la France est plongée dans un chaos avec cette série d'attentats qui a fait 17 morts. Des images extrêmement violentes ont été diffusées pendant près de cinq jours à la télévision. Mais après l'horreur, place à la reconstruction. Encore faut-il trouver les bons mots pour soigner de si gros maux.
"Il faudra du temps". "On a tous été confrontés à quelque chose d'indicible, quelque chose qui est venu bouleverser ce sentiment de sécurité individuelle et collective", explique Hélène Romano, docteur en psychopathologie au CHU Henri Mondor de Créteil, lundi matin sur Europe 1. "C'est extrêmement déstructurant. Il faut du temps pour arriver à retrouver confiance en soi, retrouver confiance dans le groupe".
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La marche, une forme de thérapie. Dimanche, près de quatre millions de personnes ont défilé dans les rues pour faire face à la barbarie. "Il est certain que les cérémonies et les rituels collectifs comme la marche républicaine peuvent aider à se reconstruire", estime Hélène Romano. "Ça peut être thérapeutique uniquement si ça prend un sens positif". Et de nuancer : "mais s'il y a une déception derrière, l'effet boomerang sera redoutable".
"Parler n'est pas suffisant". Après le rassemblement de dimanche, les gens particulièrement fragilisés vont devoir trouver des solutions pour retrouver un nouveau souffle. "Individuellement, on sort de cet état de choc en retrouvant des références individuelles familiales ou professionnelles. On peut aussi s'appuyer sur ses amis ou sa communauté religieuse", conseille le docteur en psychopathologie au CHU Henri Mondor de Créteil. "Parler n'est pas suffisant. Vous pouvez parler dans le vide ou à des gens qui ne comprendront pas. Il faut des gens vraiment capables de vous entendre".
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Attention à ne pas trop se projeter... Dans cette série d'attentats, il faut distinguer plusieurs catégories de traumatismes. "Il y a des gens endeuillés par la perte de leurs proches, dans les attentats. Il y a aussi les otages. Mais on a eu aussi des Français endeuillés par la perte de certaines valeurs et un certain sentiment de sécurité. Et puis il y a l'identification projective", explique Hélène Romano, lundi matin sur Europe 1. "On se met à la place de journalistes qui ont été tués parce qu'ils voulaient défendre des valeurs. On peut très bien se dire 'moi qui veux défendre des valeurs, ça aurait pu m'arriver'. On se met aussi à la place des gens qui ont été faire leurs courses dans cet hypermarché casher. Ça peut créer de grosses angoisses".
... et au déni de peur. "Il ne faut pas avoir peur d'avoir peur", conseille-t-elle. "Dénier la peur, c'est très violent parce qu'on a l'impression de ne pas être à la hauteur. On a le droit d'avoir peur". Pas besoin de vous faire violence donc si vous vous réveillez avec la boule au ventre. "Dire aux gens 'vous n'allez pas avoir peur, ça ne va pas les aider'. Il faut simplement savoir contrôler cette peur", poursuit Hélène Romano sur Europe 1.
La comparaison avec le 11 septembre, un mauvais symbole? Jeudi dernier, le journal Le Monde a choisi d'afficher à sa Une le "11 septembre français". "Je trouverais beaucoup plus positif de dire que c'est un nouveau 14 juillet", estime Hélène Romano. "C'est une force dynamique, positive, créative qui va se mettre en place. C'est une façon positive de voir les choses. On est actifs, on est debout".
"Le 11 septembre français" à la Une du "Monde", pas un mot à la Une en deuil de "M" http://t.co/juh9KRnrM1pic.twitter.com/pPvhnuzoRv— puremedias.com (@puremedias) January 8, 2015
Et la violence des images ? Depuis mercredi, des scènes particulièrement violentes ont été diffusées à la télévision. "Il faut les digérer à plusieurs, les décrypter pour leur donner du sens", analyse Hélène Romano, docteur en psychopathologie au CHU Henri Mondor de Créteil. "Demander par exemple aux enfants ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont compris. Et montrer, expliquer qu'au-delà de ces images horribles, il y a un demain possible. Ce sont toutes les projections vers l'avenir qui permettront aux petits et aux grands de retrouver confiance".
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La violence du direct. Est-ce que les chaînes de télévisions ont diffusé trop d'images ? "Ce qui m'inquiète, c'est surtout la violence du direct", estime Hélène Romano. "Montrer les choses en direct, sans décryptage, sans distance, peut être très dangereux. Un journaliste doit être capable de prendre le recul nécessaire pour informer correctement le téléspectateur. Quand il devient commentateur, c'est extrêmement violent".