Plus de soixante ans après, la famille n’a pas digéré. Les sept petits-enfants de Louis Renault ont engagé une procédure devant la justice pour demander réparation pour la nationalisation-sanction de la firme automobile de leur grand-père. Celui-ci, accusé de collaboration avec l’Allemagne nazie, est mort avant de voir son entreprise confisquée par une ordonnance du général de Gaulle. L’affaire a été examinée mercredi par le tribunal de grande instance de Paris.
"Nous voulons obtenir réparation" et que le "préjudice matériel et moral" soit reconnu, a expliqué sur Europe 1 Hélène Dingly-Renault, l’une des héritières ayant porté plainte. "On peut considérer qu’on a confisqué les biens de mon père, fils unique de Louis Renault", a-t-elle dénoncé. Hélène Dingly-Renault a également tenu à défendre son grand-père, qui, selon elle, "n’a pas collaboré avec l’Allemagne nazie". "Il est sûr que Renault ne s’est pas impliqué dans la résistance. De là à dire que Louis Renault est un grand collaborateur, il y a un grand pas", a-t-elle insisté.
Une QPC déposée
Les héritiers de Louis Renault ont donc déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans laquelle ils contestent la validité de l’ordonnance de confiscation datant du 16 janvier 1945, prise par le gouvernement provisoire qui avait alors transformé Renault en régie nationale.
D’après Me Thierry Lévy, avocat des plaignants, cette ordonnance "a porté atteinte aux principes fondamentaux du droit de la propriété". Pour lui, la confiscation des usines était une "voie de fait" et ses clients peuvent donc prétendre à une indemnisation.
Au tribunal de décider maintenant s’il transmet ou non la QPC à la Cour de cassation, qui sera ensuite chargée de saisir le Conseil constitutionnel si elle la juge valable.
"Révisionniste" ?
De nombreuses voix se sont élevées pour demander au tribunal de se déclarer incompétent, notamment au motif de la prescription. Outre le ministère public et les avocats de l’Etat, plusieurs "intervenants volontaires" étaient présents mercredi, dont une fédération d’anciens déportés et le syndicat CGT-Métallurgie.
L’avocat de ce dernier se dit "frappé" par "l’audace des héritiers de Renault". "Nous sommes face à un discours révisionniste puisqu’on vient nous demander la réhabilitation de quelqu’un qui a vu ses biens confisqués pour avoir collaboré avec l’ennemi", s’est indigné l’avocat de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP). Le mot n’a pas plu à l’avocat de la famille Renault, pour qui "révisioniste" est "un mot à l’intonation fâcheuse, une accusation outrancière".
Le tribunal tranchera le 11 janvier.