"Been raped, never reported" ("j'ai été violée et je n'en ai jamais parlé"). Depuis quelques jours, sur Twitter, des femmes victimes d'un viol dans le passé brisent le silence en racontant, en 140 signes, pourquoi elles n'ont jamais porté plainte.
Comment est né #BeenRapedNeverReported ? Tout est parti d'une conversation entre deux amies, journalistes au Canada. Une affaire de viols impliquant Jian Ghomeshi, un ancien animateur radio secoue alors le pays. Parmi ses victimes présumées : l’actrice Lucy De Coutere et l'avocate Reva Seth. Les deux femmes disent avoir été agressées par le présentateur il y a plus de dix ans. Ce sont les deux seules victimes présumées de Jian Ghomeshi à témoigner à visage découvert dans les médias canadiens.
Mais leurs témoignages suscitent des interrogations : pourquoi des dénonciations si tardives, et surtout, pourquoi n'ont-elles jamais porté plainte ? Atterrées par ce climat de suspicion, les deux copines journalistes, qui ont elles-mêmes été agressées dans le passé, décident de soutenir publiquement les deux victimes présumées.
Antonia Zerbisias et Sue Montgomery publient donc toutes deux un tweet à peu près similaire : "Je crois Lucy, je crois les femmes. Et oui, moi aussi j'ai été violée et je n'en ai jamais parlé", postent les deux femmes sur leurs comptes Twitter respectifs avec le hashtag #BeenRapedNeverReported ("j'ai été violée et je n'en ai jamais parlé"). Ces deux tweets libèrent la parole de milliers de victimes qui, elles n'ont plus, n'avaient jamais parlé jusqu'alors de ce qui leur était arrivé.
#ibelievelucy#ibelievewomen And yes, I've been raped (more than once) and never reported it. #BeenRapedNeverReported— Antonia Zerbisias (@AntoniaZ) 30 Octobre 2014
Des témoignages poignants.Le hashtag #BeenRapedNeverReported se répand rapidement sur Twitter : au Canada, d'abord, puis aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Autant de témoignages de femmes (et de quelques hommes) expliquant pourquoi, jusqu'à présent, elles avaient choisi de garder le silence. "Parce qu'à 17 ans, j'étais ivre et effrayée", "parce que c'était mon mari", "parce que c'est moi qui aurait été jugée", "parce que j'étais dans l'armée et que j'ai vu ce qui arrivait à celles qui portaient plainte", "parce que mon violeur était quelqu'un de 'trop bien pour faire ça'", "parce que cela m'a pris dix ans à comprendre que ce n'était pas de ma faute"… peut-on notamment lire.
Our front page is yours http://t.co/tPn0QSQnYA#BeenRapedNeverReportedpic.twitter.com/zVS4bahlFF— HuffPost Canada (@HuffPostCanada) 2 Novembre 2014
Des personnalités brisent le silence. La vague #BeenRapedNeverReported conduit aussi certaines personnalités à évoquer publiquement pour la première fois leur viol comme l'actrice canadienne Gabrielle Sunshine Miller ou la Québécoise, Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme (CSF).
I had already lost my childhood, my virginity and my self worth I was afraid, and I didn't want to lose any more. #BeenRapedNeverReported— Gabrielle Miller (@MillerGabrielle) 31 Octobre 2014
Quel écho en France ? En France, sur les réseaux sociaux, l'initiative est unanimement saluée mais les témoignages sont encore rares. En 2012, Le Nouvel Obs avait publié le manifeste de 313 femmes contre le viol. A l'initiative de l'élue féministe Clémentine Autain, beaucoup de femmes plus ou moins connues y révélait avoir été violées. Le but de l'opération, là encore : "libérer la parole car le silence fait le jeu des violeurs".
#BeenRapedNeverReported moi aussi.......— Julie (@JulieCendrillon) 31 Octobre 2014