La Cour de cassation pouvait quasiment mettre fin à la plus grande partie de l’affaire Bettencourt mardi. Mais la juridiction a finalement décidé que les procédures en cours pouvaient continuer. Elle a en effet validé les écoutes téléphoniques pirates réalisées par le majordome de l’époque de la milliardaire et donc rejeté les pourvois formés l'un par Liliane Bettencourt, l'autre par sa fille Françoise, qui contestaient une décision de la cour d'appel de Bordeaux de juin 2011.
Pour Liliane Bettencourt, les enregistrements clandestins étaient une violation grave de sa vie privée et auraient dû être considérés comme nuls. La Cour de cassation en a jugé autrement, constatant que les enregistrements n'étaient pas des "actes ou des pièces de l'information (...) susceptibles d'être annulés", mais des "moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement". Leur transcription, "qui a pour objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation", ajoute-t-elle dans son arrêt.
Des recours déposés par la mère et la fille
Pour Françoise, c'est la procédure ayant découlé des enregistrements pirates qui aurait dû être annulée, parce que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, avait ouvert une enquête pour atteinte à la vie privée dès leur réception, alors que les personnes enregistrées à leur insu n'avaient pas encore porté plainte. Mais là aussi, la Cour a considéré que l'article invoqué du code pénal ne s'appliquait pas à ce stade de l'enquête, puisqu'aucune "juridiction d'instruction ou de jugement" n'avait été saisie.
Les fameux enregistrements avaient été remis mi-2010 aux enquêteurs par Françoise Bettencourt-Meyers, qui tentait alors de prouver que sa mère était victime d'abus de faiblesse de la part de membres de son entourage, et notamment de la part du photographe François-Marie Banier notamment.
Le point de départ d'un dossier plus politique
Mais le contenu des écoutes suggéraient aussi des opérations financières destinées à échapper au fisc, des interventions de l'Elysée dans la procédure en abus de faiblesse, ainsi que des liens troubles entre Liliane Bettencourt et l'ancien ministre du Travail Eric Woerth et son épouse Florence. L'ancien trésorier de l'UMP, soupçonné de conflit d'intérêts et financement politique illégal, avait quitté le gouvernement en novembre 2010. A ce jour, il n'a pas été mis en examen.
Dans le volet "abus de faiblesse" en revanche, trois personnes ont été mises en examen : François-Marie Banier, ainsi que le compagnon de ce dernier, Martin d'Orgeval, et l'ancien gestionnaire de fortune de l’héritière de L’Oreal, Patrice de Maistre. Les conclusions d'une expertise médicale menée sur la milliardaire, atteinte notamment de "démence mixte", ont par ailleurs abouti à sa mise sous tutelle en octobre dernier.