Le Monde dénonce une "violation de la loi sur le secret des sources pour tenter de colmater les fuites du dossier Bettencourt". Sur son site Internet, le quotidien du soir révèle jeudi que la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a bien examiné les appels téléphoniques de son journaliste Gérard Davet, qui enquêtait sur l'affaire Bettencourt-Woerth - auteur du livre Sarko m'a tuer. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, s'en est expliqué.
Des réquisitions classées "confidentiel"
C'est la juge d'instruction parisienne, Sylvie Zimmermann, chargée de l'enquête ouverte après la plainte du Monde pour "violation du secret des sources", qui a découvert que la DCRI avait examiné en juillet 2010, après deux réquisitions - classées "confidentiel" - à l'opérateur Orange, les factures détaillées de téléphone portable de Gérard Davet et de sa source supposée. La demande avait été faite au lendemain de la publication d'un article embarrassant pour Eric Woerth, alors ministre du Travail, qui a dû démissionner en raison de soupçons de financement politique illégal par Liliane Bettencourt.
La première réquisition réclamait les factures téléphoniques détaillées liées au téléphone portable (numéro des correspondants, heure de tous les appels entrants et sortants et leur géolocalisation) de Gérard Davet, entre le 12 et le 16 juillet 2010. La seconde concernait la liste des appels passés par David Sénat, conseiller pénal au cabinet de la garde des Sceaux de l'époque, Michèle Alliot-Marie, soupçonné d'être la "source" du Monde.
"On a la preuve des mensonges de l'Etat"
La DCRI et le gouvernement avaient déjà admis l'existence de cette opération, mais assuraient ne s'être intéressées qu'à la source de Gérard Davet et donc à l'éventuelle violation du secret professionnel d'un fonctionnaire. "On a la preuve des mensonges des autorités de l'Etat, ils ont bien espionné un journaliste pour mettre fin à une affaire embarrassante. Cela confirme qu'il existe un système au plus haut niveau de l'Etat destiné à déstabiliser les gens qui gênent le pouvoir", a déclaré Gérard Davet.
Claude Guéant a confirmé jeudi l'existence d'une enquête mais nié que Gérard Davet ait été visé. "Il y a eu effectivement des repérages de communications téléphoniques, ce qui est tout à fait différent d'une écoute. Le repérage des communications ne permet pas de connaître la teneur d'une conversation", a-t-il dit. "Il s'agissait de rechercher l'auteur de la divulgation - présent à l'intérieur de l' administration - de procédures judiciaires, ce qui est tout à fait scandaleux. Il s'agissait donc de rechercher l'auteur d'un dysfonctionnement administratif grave", a ajouté le ministre de l'Intérieur.
Sur la base de relevés téléphoniques, David Sénat avait dû quitter ses fonctions, soupçonné d'avoir été une de ces sources. Il a été chargé d'une mission sur la cour d'appel de Cayenne.