Bientôt une loi sur les conflits d'intérêts

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avec AFP , modifié à
Sarkozy va demander à Fillon de préparer un projet de loi sur la déontologie dans la vie publique.

Comment définir une situation de conflit d'intérêts dans la vie publique ? Faut-il prévoir des sanctions pénales ou instituer un code de déontologie ? Avec les récentes affaires Woerth-Bettencourt, Pérol-Proglio ou encore Mediator, la problématique des conflits d'intérêts a fait un retour sur le devant de la scène. Et une commission, nommée par Nicolas Sarkozy début septembre, a rendu son rapport sur le sujet mercredi.

En s'appuyant sur ce rapport dans lequel la commission propose un arsenal de mesures inédites pour prévenir des pratiques qui ont choqué lors de récents scandales, le chef de l'Etat va demander au Premier ministre, François Fillon, de préparer un projet de loi sur la déontologie dans la vie publique "qui sera déposé au cours de cette année". C'est ce qu'a annoncé l'Elysée mercredi après-midi.

Les principales propositions

Dans leur rapport, les trois membres de la commission - Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, Didier Migaud, premier président de la cour des comptes, et Jean-Claude Magendie, ancien premier président de la cour d'appel de Paris qui avaient été nommés en plein coeur de l'affaire Woerth-Bettencourt - définissent le conflit d'intérêt comme "une situation d'interférence entre une mission de service publique et l'intérêt privé d'une personne qui concourt à l'exercice de cette mission. Il intervient lorsque l'intérêt privé peut être de nature à influencer ou paraître influencer l'objectif d'impartialité de la Fonction publique. Seuls sont concernés les intérêts matériels, financiers et professionnels, pas les intérêts philosophiques, religieux ou moraux". Comme l'a révélé Le Parisien / Aujourd'hui en France mercredi, la commission Sauvé a établi une liste de recommandations.

Une inscription dans la loi. Le rapport recommande une inscription dans la loi de la définition des conflits d'intérêts et notamment les valeurs et principes fondamentaux qui s'imposent aux acteurs publics. La loi obligerait alors tout acteur public se trouvant dans une situation de conflits d'intérêts d'y mettre un terme "en renonçant à son intérêt privé, en s'abstenant de toute participation à la prise de décision publique ou en renonçant à l'exercice de sa fonction publique".

Une déclaration d'intérêt. Les acteurs de la vie publique les plus exposés auraient aussi pour obligation de déclarer leurs revenus complémentaires et leurs éventuelles prises de participations financières dans des sociétés privées. 4.000 agents de la fonction publique seraient concernés par cette mesure. Chaque acteur, propose le rapport, devrait également également déclarer les intérêts qu'il peut "raisonnablement connaître" de ses proches - conjoint, ascendants, descendants -.

Limite d'exercice pour les membres du gouvernement et les entrepreneurs. Le rapport préconise qu'il soit interdit d'exercer simultanément des fonctions de direction d'une entreprise publique et d'une entreprise privée, comme Henri Proglio par exemple pour EDF et Veolia. Le document indique aussi que les ministres et membres des cabinets ministériels soient empêchés de diriger un mandat exécutif local - comme maire ou encore adjoint -, et des fonctions de direction ou d'administration au sein d'une association, d'un parti politique, d'un syndicat ou encore d'une fondation.

Un dispositif préventif. La commission recommande la mise en place dans chaque administration de codes de conduite et chartes de déontologie, mais aussi de formations adaptées et de mécanismes d'alerte permettant à un agent de signaler un risque d'infraction sans risque de sanction.

Pas de cadeaux. La commission souhaite également stopper le lobbying et propose pour cela de le réglementer : tout cadeau supérieur à 150 euros doit être refusé, "à l'exception de ceux que protocolairement on ne peut pas refuser".

Une autorité de déontologie. Selon le document, le rapport propose la création d'une autorité de déontologie de la vie publique qui reprendra les missions des actuelles commissions pour la transparence financière de la vie politique et de déontologie. Elle sera composée de magistrats de la Cour des Comptes, du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Elle pourra s'autosaisir, obtenir tous les documents nécessaires, fiscaux notamment, entendre les personnes concernées pour vérifier leurs déclarations d'intérêts. En cas de manquement, les sanctions recommandées pourront aller d'une amende à l'inégibilité, voire à l'interdiction d'exercer un emploi public.

Plus de 70 auditions

Pour réaliser ce rapport, la commission Sauvé a, pendant trois mois, auditionné plus de 70 personnes : des responsables des principaux partis politiques, en passant par des hauts fonctionnaires, des universitaires, mais aussi syndicalistes et représentants du monde de l'entreprise.

L'ancien commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsch, a aussi été entendu par la commission. Son livre, Pour en finir avec les conflits d'intérêts, paru fin septembre, épinglait les situations de Jean-François Copé, alors ministre et collaborateur du cabinet d'avocats Gide-Loirette-Nouel, et de Gérard Longuet, sénateur et, un temps, conseiller de GDF-Suez.

Jean-François Copé justement a réagi au micro d'Europe 1 sur les propositions de ce rapport. Il s'est dit scandalisé et a estimé que la France n'avait "pas besoin d'une loi" pour les conflits d'intérêts. "Ne tombons pas dans l’ultracisme, au motif qu’on veut se racheter une bonne conscience", a-t-il indiqué.